[article]
Titre : |
La soumission absolue des enfants |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
Laurent Bachler, Auteur |
Année de publication : |
2021 |
Article en page(s) : |
p.184-188 |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
Alpha A:Autorité parentale ; E:Enfant ; L:Littérature ; P:Philosophie
|
Résumé : |
« Qu’ils soient élevés par le père, par la mère, ou par qui que ce soit, les enfants sont donc absolument soumis à celui ou celle qui les élève, ou les préserve. Ils peuvent même les aliéner, c’est-à-dire céder leur domination, en les vendant, ou les donnant en adoption ou en servitude ; ils peuvent les donner comme otages, les tuer pour rébellion, ou les sacrifier pour la paix, selon les lois naturelles, lorsqu’en leur âme et conscience ils le jugent nécessaire. »
Thomas Hobbes, Éléments de loi, IIe partie, De Corpore Politico, chapitre XXIII, § 8. trad. Arnaud Milanese, Paris, Allia, 2006, p. 149.
Pourquoi les enfants obéissent-ils aux parents ? L’éducation se ramène souvent à une somme considérable de commandements et de contraintes que les enfants acceptent finalement sans opposer une résistance forte et convaincue à tout cela. Tout se passe comme s’il allait de soi que les enfants obéissent, et dans une certaine mesure se soumettent à l’autorité parentale. On pourra toujours chercher à justifier cette situation, cette soumission de fait des enfants aux adultes, à l’aide d’arguments plus ou moins convenus : « c’est pour leur bien », « ils sont dépendants des adultes », « ils doivent tout aux parents, à commencer par la vie ». Toutes ces raisons ne nous exemptent pas de l’obligation philosophique de questionner ces évidences. Pourquoi les enfants devraient-ils obéir aux parents ? Sur quelles raisons se fonde cette exigence de soumission de l’enfant ? Un point de vue philosophique nous aidera à questionner cette pseudo-évidence. Car aucune soumission, et surtout pas celle des enfants, ne saurait aller de soi ou s’imposer sans examen et sans questionnement.
La pensée de Thomas Hobbes peut nous aider à questionner cette opinion toute faite. Hobbes n’est pas immédiatement un penseur de l’enfance. Ses écrits et sa philosophie portent d’abord sur des questions politiques. Son œuvre principale, Léviathan, propose une théorie politique d’une radicale nouveauté en imaginant que l’autorité politique tient son droit de commander de ceux-là mêmes sur qui elle s’exerce, c’est-à-dire les sujets. Hobbes propose un schéma d’explication du pouvoir politique dans lequel la référence à une quelconque transcendance, Dieu, la religion ou même la morale, n’est plus nécessaire pour justifier une autorité politique. Seul suffit l’accord de ceux sur qui ce pouvoir va s’exercer. La vie politique, ainsi tissée de relations de pouvoir, est le résultat d’un accord passé entre les individus, qui acceptent de se soumettre à un pouvoir extérieur absolu, cette soumission leur garantissant une relative sécurité au sein du groupe social. Dans la soumission à l’autorité politique, les individus gagnent une sécurité de leurs biens et de leur personne. Ce décentrement du fondement de l’autorité politique fera couler beaucoup d’encre, car il semble justifier la soumission absolue à cette autorité. Mais on oublie une nuance importante que Hobbes apporte à sa doctrine politique.
En effet, dès son premier ouvrage politique, en 1640, il reconnaît deux cas de figure dans lesquels l’autorité est fondée à commander sans passer par l’accord de ceux sur qui elle s’exerce, deux exceptions à cette conception contractualiste de l’autorité : l’esclave et l’enfant. L’autorité que le parent exerce sur l’enfant n’a pas besoin de l’accord explicite de ce dernier ; pareillement pour celle que le maître exerce sur l’esclave. L’esclave et l’enfant sont l’un et l’autre dans la même soumission absolue à l’égard d’une autorité extérieure. Mais que veut signifier, exactement, cette soumission absolue à un autre ? Cela veut dire qu’ils sont pris dans une relation à l’autre au sein de laquelle ils n’ont aucun droit. L’enfant n’a absolument aucun droit. Nous attendons de lui qu’il obéisse à ses parents. Cela semble un fait incontestable, sinon fondamental. Et ces parents peuvent faire de lui ce qu’ils veulent : le vendre, le donner, le tuer, le sacrifier. La relation parents-enfants finalement est la forme ultime de l’inégalité, la relation la plus inégalitaire que l’on puisse imaginer, relation au sein de laquelle l’une des parties a tous les droits et l’autre n’en a aucun.
Pour comprendre une telle conception, il convient de répondre à deux questions : tout d’abord, comment justifier une telle inégalité dans la relation sans passer par le consentement, ou l’accord de celui qui se soumet ? De plus, pourquoi faut-il, pour comprendre la nature de la relation entre les parents et les enfants, passer par le schéma assez radical et dur de la relation entre le maître et son esclave ? On peut imaginer que déjà à l’époque de Hobbes, en plein milieu du xviie siècle, la place des esclaves dans la société n’était plus vraiment celle des esclaves romains de l’Antiquité. Certes, de nouvelles formes de servitude et d’esclavagisme se mettent en place à cette époque. Mais la figure de l’esclave à laquelle songe Hobbes semble être celle de l’esclave domestique, propriété d’un maître de maison. Il se met dans le sillage de la pensée d’un Aristote qui justifiait l’esclavage domestique au ive siècle avant J.-C., plutôt que dans le contexte plus contemporain du Code Noir, texte écrit sous Louis XIV pour organiser la traite des esclaves d’Afrique vers le continent américain. Au moment où Hobbes écrit son texte, l’esclavage auquel il pense est une réalité anachronique, alors que la relation parentale qu’il décrit renvoie à une réalité bien concrète et très contemporaine. Peut-être même que ce qu’il écrit en 1640 correspond à ce que nous vivons encore aujourd’hui.
Alors, demandons-nous ce qui peut bien justifier aux yeux de Hobbes cette relation de soumission sans contrat. Justifier une soumission, cela veut dire que même si les enfants avaient la possibilité de désobéir aux parents, ils ne devraient toutefois pas le faire, ils n’auraient aucun droit ni aucune légitimité à le faire, car l’obéissance aux parents n’est pas simplement un fait lié à la position de dépendance des enfants. Elle est aussi, pour Hobbes et pour de nombreux éducateurs, quelque chose de dû aux parents. On peut trouver dans la pensée de Hobbes trois causes susceptibles de justifier l’obéissance que les enfants doivent aux parents, trois raisons qui font que les enfants doivent obéir à leurs parents et que ceux-ci ont un droit de commander à leurs enfants, comme un maître commande à des esclaves.
Tout d’abord, ce droit est une question non pas de procréation mais de préservation. En effet, le droit des parents sur les enfants, notamment les droits de la mère sur l’enfant, ne viennent pas, comme on pourrait le penser, du fait qu’ils sont les géniteurs de l’enfant : la question de la procréation est tout à fait secondaire pour Hobbes. En réalité, les parents qui prennent en charge un enfant font le choix de préserver la vie de l’enfant. Leur pouvoir sur l’enfant est tel qu’ils pourraient l’abandonner et choisir pour lui la mort. Or, ils ne le font pas. Le fait que les parents en prenant soin de l’enfant choisissent la préservation de sa vie fonde leur droit à le commander. L’enfant ne peut pas par lui-même préserver sa vie, il doit donc obéissance à celui qui fait ce choix pour lui, tant qu’il vit, même s’il devient plus fort que ses parents. Sa soumission est éternelle : « Le titre de domination sur un enfant ne vient pas de son engendrement, mais de sa préservation. Dans l’état naturel, la mère, qui a le pouvoir de le sauver, ou de le détruire, a donc un droit sur lui par ce pouvoir […]. Et bien que l’enfant ainsi préservé acquiert avec le temps des forces suffisantes pour se prétendre l’égal de celui ou celle qui l’ont préservé, sa prétention sera cependant estimée déraisonnable, parce que sa force vient d’un don de ceux contre qui il s’élève, mais aussi parce qu’il faut supporter que celui qui nourrit un autre qui en tire sa force a reçu en échange une promesse d’obéissance.
La deuxième cause qui fonde l’autorité parentale et induit l’obéissance des enfants est la gratitude que ceux-ci doivent à leurs parents. Parce qu’ils ont bénéficié de l’attention et des soins de leurs parents et que leurs parents leur ont donné cela sans y être contraints, alors cette attention et ces soins fondent une obligation de gratitude. Le mot de gratitude est aujourd’hui à la mode. C’est pourtant le mot de Hobbes lui-même. C’est même le mot qui nomme pour Hobbes une loi morale fondamentale, ce qu’il appelle une « loi de la nature ». C’est la quatrième loi de la nature, juste après la justice, et juste avant la bienveillance. Il définit ainsi la gratitude dans Léviathan : « De même que la justice dépend d’une convention antérieure, de même la gratitude dépend d’une grâce antérieure, autrement dit d’un don gratuit antérieur ; telle est la quatrième loi de nature. On peut la concevoir sous la forme suivante : celui qui bénéficie d’une simple grâce de la part de quelqu’un s’efforce que ce dernier n’ait pas de motif raisonnable de se repentir de sa bonne volonté. En effet, personne ne donne jamais que dans l’intention d’un bien pour soi-même, parce que le don est volontaire et que l’objet de tous les actes volontaires est pour tout un chacun son propre bien. Si l’on voit qu’on en sera privé, il n’y aura ni prévenance ou confiance, ni par conséquent assistance mutuelle ; pas non plus de réconciliation de l’un avec l’autre, et donc on est voué à rester à l’état de guerre, ce qui est contraire à la première et fondamentale loi de nature, laquelle commande de rechercher la paix. Le manquement à cette loi est appelé ingratitude.
Les enfants doivent donc une gratitude aux parents, même s’ils n’ont plus besoin de leurs parents pour vivre et subvenir à leurs besoins. Cette gratitude est ce qui permet de faire naître |
Permalink : |
http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49131 |
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.184-188
[article] La soumission absolue des enfants [texte imprimé] / Laurent Bachler, Auteur . - 2021 . - p.184-188. Langues : Français ( fre) in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.184-188
Catégories : |
Alpha A:Autorité parentale ; E:Enfant ; L:Littérature ; P:Philosophie
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Résumé : |
« Qu’ils soient élevés par le père, par la mère, ou par qui que ce soit, les enfants sont donc absolument soumis à celui ou celle qui les élève, ou les préserve. Ils peuvent même les aliéner, c’est-à-dire céder leur domination, en les vendant, ou les donnant en adoption ou en servitude ; ils peuvent les donner comme otages, les tuer pour rébellion, ou les sacrifier pour la paix, selon les lois naturelles, lorsqu’en leur âme et conscience ils le jugent nécessaire. »
Thomas Hobbes, Éléments de loi, IIe partie, De Corpore Politico, chapitre XXIII, § 8. trad. Arnaud Milanese, Paris, Allia, 2006, p. 149.
Pourquoi les enfants obéissent-ils aux parents ? L’éducation se ramène souvent à une somme considérable de commandements et de contraintes que les enfants acceptent finalement sans opposer une résistance forte et convaincue à tout cela. Tout se passe comme s’il allait de soi que les enfants obéissent, et dans une certaine mesure se soumettent à l’autorité parentale. On pourra toujours chercher à justifier cette situation, cette soumission de fait des enfants aux adultes, à l’aide d’arguments plus ou moins convenus : « c’est pour leur bien », « ils sont dépendants des adultes », « ils doivent tout aux parents, à commencer par la vie ». Toutes ces raisons ne nous exemptent pas de l’obligation philosophique de questionner ces évidences. Pourquoi les enfants devraient-ils obéir aux parents ? Sur quelles raisons se fonde cette exigence de soumission de l’enfant ? Un point de vue philosophique nous aidera à questionner cette pseudo-évidence. Car aucune soumission, et surtout pas celle des enfants, ne saurait aller de soi ou s’imposer sans examen et sans questionnement.
La pensée de Thomas Hobbes peut nous aider à questionner cette opinion toute faite. Hobbes n’est pas immédiatement un penseur de l’enfance. Ses écrits et sa philosophie portent d’abord sur des questions politiques. Son œuvre principale, Léviathan, propose une théorie politique d’une radicale nouveauté en imaginant que l’autorité politique tient son droit de commander de ceux-là mêmes sur qui elle s’exerce, c’est-à-dire les sujets. Hobbes propose un schéma d’explication du pouvoir politique dans lequel la référence à une quelconque transcendance, Dieu, la religion ou même la morale, n’est plus nécessaire pour justifier une autorité politique. Seul suffit l’accord de ceux sur qui ce pouvoir va s’exercer. La vie politique, ainsi tissée de relations de pouvoir, est le résultat d’un accord passé entre les individus, qui acceptent de se soumettre à un pouvoir extérieur absolu, cette soumission leur garantissant une relative sécurité au sein du groupe social. Dans la soumission à l’autorité politique, les individus gagnent une sécurité de leurs biens et de leur personne. Ce décentrement du fondement de l’autorité politique fera couler beaucoup d’encre, car il semble justifier la soumission absolue à cette autorité. Mais on oublie une nuance importante que Hobbes apporte à sa doctrine politique.
En effet, dès son premier ouvrage politique, en 1640, il reconnaît deux cas de figure dans lesquels l’autorité est fondée à commander sans passer par l’accord de ceux sur qui elle s’exerce, deux exceptions à cette conception contractualiste de l’autorité : l’esclave et l’enfant. L’autorité que le parent exerce sur l’enfant n’a pas besoin de l’accord explicite de ce dernier ; pareillement pour celle que le maître exerce sur l’esclave. L’esclave et l’enfant sont l’un et l’autre dans la même soumission absolue à l’égard d’une autorité extérieure. Mais que veut signifier, exactement, cette soumission absolue à un autre ? Cela veut dire qu’ils sont pris dans une relation à l’autre au sein de laquelle ils n’ont aucun droit. L’enfant n’a absolument aucun droit. Nous attendons de lui qu’il obéisse à ses parents. Cela semble un fait incontestable, sinon fondamental. Et ces parents peuvent faire de lui ce qu’ils veulent : le vendre, le donner, le tuer, le sacrifier. La relation parents-enfants finalement est la forme ultime de l’inégalité, la relation la plus inégalitaire que l’on puisse imaginer, relation au sein de laquelle l’une des parties a tous les droits et l’autre n’en a aucun.
Pour comprendre une telle conception, il convient de répondre à deux questions : tout d’abord, comment justifier une telle inégalité dans la relation sans passer par le consentement, ou l’accord de celui qui se soumet ? De plus, pourquoi faut-il, pour comprendre la nature de la relation entre les parents et les enfants, passer par le schéma assez radical et dur de la relation entre le maître et son esclave ? On peut imaginer que déjà à l’époque de Hobbes, en plein milieu du xviie siècle, la place des esclaves dans la société n’était plus vraiment celle des esclaves romains de l’Antiquité. Certes, de nouvelles formes de servitude et d’esclavagisme se mettent en place à cette époque. Mais la figure de l’esclave à laquelle songe Hobbes semble être celle de l’esclave domestique, propriété d’un maître de maison. Il se met dans le sillage de la pensée d’un Aristote qui justifiait l’esclavage domestique au ive siècle avant J.-C., plutôt que dans le contexte plus contemporain du Code Noir, texte écrit sous Louis XIV pour organiser la traite des esclaves d’Afrique vers le continent américain. Au moment où Hobbes écrit son texte, l’esclavage auquel il pense est une réalité anachronique, alors que la relation parentale qu’il décrit renvoie à une réalité bien concrète et très contemporaine. Peut-être même que ce qu’il écrit en 1640 correspond à ce que nous vivons encore aujourd’hui.
Alors, demandons-nous ce qui peut bien justifier aux yeux de Hobbes cette relation de soumission sans contrat. Justifier une soumission, cela veut dire que même si les enfants avaient la possibilité de désobéir aux parents, ils ne devraient toutefois pas le faire, ils n’auraient aucun droit ni aucune légitimité à le faire, car l’obéissance aux parents n’est pas simplement un fait lié à la position de dépendance des enfants. Elle est aussi, pour Hobbes et pour de nombreux éducateurs, quelque chose de dû aux parents. On peut trouver dans la pensée de Hobbes trois causes susceptibles de justifier l’obéissance que les enfants doivent aux parents, trois raisons qui font que les enfants doivent obéir à leurs parents et que ceux-ci ont un droit de commander à leurs enfants, comme un maître commande à des esclaves.
Tout d’abord, ce droit est une question non pas de procréation mais de préservation. En effet, le droit des parents sur les enfants, notamment les droits de la mère sur l’enfant, ne viennent pas, comme on pourrait le penser, du fait qu’ils sont les géniteurs de l’enfant : la question de la procréation est tout à fait secondaire pour Hobbes. En réalité, les parents qui prennent en charge un enfant font le choix de préserver la vie de l’enfant. Leur pouvoir sur l’enfant est tel qu’ils pourraient l’abandonner et choisir pour lui la mort. Or, ils ne le font pas. Le fait que les parents en prenant soin de l’enfant choisissent la préservation de sa vie fonde leur droit à le commander. L’enfant ne peut pas par lui-même préserver sa vie, il doit donc obéissance à celui qui fait ce choix pour lui, tant qu’il vit, même s’il devient plus fort que ses parents. Sa soumission est éternelle : « Le titre de domination sur un enfant ne vient pas de son engendrement, mais de sa préservation. Dans l’état naturel, la mère, qui a le pouvoir de le sauver, ou de le détruire, a donc un droit sur lui par ce pouvoir […]. Et bien que l’enfant ainsi préservé acquiert avec le temps des forces suffisantes pour se prétendre l’égal de celui ou celle qui l’ont préservé, sa prétention sera cependant estimée déraisonnable, parce que sa force vient d’un don de ceux contre qui il s’élève, mais aussi parce qu’il faut supporter que celui qui nourrit un autre qui en tire sa force a reçu en échange une promesse d’obéissance.
La deuxième cause qui fonde l’autorité parentale et induit l’obéissance des enfants est la gratitude que ceux-ci doivent à leurs parents. Parce qu’ils ont bénéficié de l’attention et des soins de leurs parents et que leurs parents leur ont donné cela sans y être contraints, alors cette attention et ces soins fondent une obligation de gratitude. Le mot de gratitude est aujourd’hui à la mode. C’est pourtant le mot de Hobbes lui-même. C’est même le mot qui nomme pour Hobbes une loi morale fondamentale, ce qu’il appelle une « loi de la nature ». C’est la quatrième loi de la nature, juste après la justice, et juste avant la bienveillance. Il définit ainsi la gratitude dans Léviathan : « De même que la justice dépend d’une convention antérieure, de même la gratitude dépend d’une grâce antérieure, autrement dit d’un don gratuit antérieur ; telle est la quatrième loi de nature. On peut la concevoir sous la forme suivante : celui qui bénéficie d’une simple grâce de la part de quelqu’un s’efforce que ce dernier n’ait pas de motif raisonnable de se repentir de sa bonne volonté. En effet, personne ne donne jamais que dans l’intention d’un bien pour soi-même, parce que le don est volontaire et que l’objet de tous les actes volontaires est pour tout un chacun son propre bien. Si l’on voit qu’on en sera privé, il n’y aura ni prévenance ou confiance, ni par conséquent assistance mutuelle ; pas non plus de réconciliation de l’un avec l’autre, et donc on est voué à rester à l’état de guerre, ce qui est contraire à la première et fondamentale loi de nature, laquelle commande de rechercher la paix. Le manquement à cette loi est appelé ingratitude.
Les enfants doivent donc une gratitude aux parents, même s’ils n’ont plus besoin de leurs parents pour vivre et subvenir à leurs besoins. Cette gratitude est ce qui permet de faire naître |
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