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Auteur Stève Thoraud |
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Faire de la musique avec le jeune enfant, une partition éphémère / Philippe BOUTELOUP in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé, n° 99 (Décembre 2021)
[article]
Titre : Faire de la musique avec le jeune enfant, une partition éphémère Type de document : texte imprimé Auteurs : Philippe BOUTELOUP, Auteur ; Stève Thoraud, Auteur Année de publication : 2021 Article en page(s) : p.172-174 Langues : Français (fre) Catégories : Alpha
C:Chant ; C:Crèche ; E:Empathie ; E:Enfant ; J:Jeune enfant ; M:Musique ; N:Neurone ; S:Son ; S:SubjectivitéRésumé : L’arrivée d’un enfant est synonyme de nouvelle partition, que l’on aura le périlleux privilège d’écrire et d’exécuter simultanément.
Mon premier fils naît : incrédulité, étonnement, émotions. Mais, mais, mais… il a quelques difficultés à respirer et doit filer en soins intensifs dans un autre hôpital. Je suivrai l’ambulance, et sa maman devra rester à la maternité. Choc ! Je pénètre dans la salle des incubateurs qui sont comme des refuges pour ces bébés branchés. Ici, les bips réduisent le silence au silence, et mon fils pleure, seul parmi les autres dans sa coquille de plastique. Je m’approche et lui tends mon doigt, qu’il saisit. Je chante alors, à travers mes sanglots de jeune papa désemparé, tout ce que je lui ai chanté durant ces derniers mois, lors de ces instants étranges où je m’adressais au ventre de sa maman : berceuses, comptines, chansons françaises et d’ailleurs. Mon fils cesse bien vite ses pleurs, tourne sa petite tête vers moi et une éternité passera, en musique. Notre partition avait commencé à s’écrire et à se jouer avant la naissance, in utero, à travers les chants, mais aussi les mots et les caresses sur le ventre, tout ce qui fut pénétré d’une intention vers ce bébé à naître, lui répondant à coups de pied. Une fois celui-ci accueilli dans sa famille, la partition continue, imparfaite mais toujours juste. Durant ce moment en soins intensifs, j’ai chanté les mêmes chansons que pendant la grossesse, mais l’arrangement était chamboulé, sans fioriture, avec un fort flot émotionnel : une partition en réinvention instantanée.
Pâte à modeler
Faire de la musique avec de très jeunes enfants nous demande de prendre cette métaphore de la partition au sens propre, et le paradoxe est que nous la composons et la jouons dans le même temps. Bien sûr nous apprenons et répétons des chansons faites de mélodies et de rythmes, de technique vocale et instrumentale, mais elles se réinventent toujours un peu en face au tout jeune enfant, elles deviennent, si on l’accepte, malléables, extensibles ou rétractables, une matière souple : « La musique est l’art de jouer avec les sons comme on joue avec de la pâte à modeler.
L’enfant-instrument participe à l’arrangement musical, y ajoute sa voix, son timbre, ses nuances et variations, et nous enjoint d’improviser.
Musique en crèche
Avec ma collègue musicienne, nous chantons « La pluie » : « Me voilà trempé, de la tête jusqu’aux… », la phrase reste en suspens, invitant les enfants à la terminer. Nous prenons la forme interrogative : «… jusqu’aux ? » Le temps s’étire, le silence semble long, trop long pour le musicien en déroute, tout bousculé qu’il est par cette imperfection rythmique. Nous répétons : « jusqu’aux ? », et la réponse arrive enfin : « … pieds ! » Elle est parfois inattendue et surprenante, comme ici : « Monsieur Pouce part en voyage, l’index porte sa valise, le majeur porte son manteau, l’annulaire porte son chapeau, petit auriculaire ne porte rien du tout, il court et court derrière comme un petit… doudou ! » nous répondra une petite fille, au lieu du « toutou ». Réécriture immédiate et créative ! Il existe beaucoup de chansons dans le répertoire jeune public qui sont propices au changement des paroles, ce qui est déjà un acte créatif partagé. Et quand la réponse ne vient pas, il faut parfois conclure soi-même, un peu frustré, accepter ce que l’on pourrait prendre pour un échec si l’on était mal avisé : « La véritable musique est le silence, et toutes les notes ne font qu’encadrer ce silence », disait Miles Davis. Une phrase à méditer pour tout musicien intervenant auprès de jeunes enfants ; car veut-on la réponse à tout prix, ou bien le jeu qui consiste à l’attendre ensemble, à sculpter le silence dans un même élan, tous à l’écoute, ouverts à la surprise ?
Une petite fille veut absolument toucher ma guitare quand je chante en m’accompagnant. Elle délaisse les petits instruments à disposition, pourtant investis par les autres enfants du groupe, car elle veut gratter, comme moi. Ses mains au format xxs se mêlent aux miennes, je ne peux bientôt plus jouer correctement, ma partition se réécrit sous mes yeux, je dois vite la retranscrire. Je garde la main gauche pour jouer les accords et abandonne l’usage de la droite, c’est la jeune fille qui gratte seule les cordes dorénavant. Je règle mon chant sur le rythme de sa main, la chanson ralentit, accélère, je m’adapte mais je crois que l’enfant s’adapte aussi, nous nous accordons, et le morceau prend une tournure inattendue, avec une guitare jouée à deux.
Même pattern
Nous savons aujourd’hui l’importance des neurones-miroirs dans l’intersubjectivité, cette capacité à imiter l’autre dans un processus empathique, cet accordage non seulement affectif mais aussi gestuel. Daniel Stern nous éclaire, tout en métaphore musicale : « Si vous me regardez attentivement quand je fais un geste, ce sont vos neurones-miroirs qui vont décharger, et décharger selon le pattern exact de mon mouvement, comme si vous aviez fait ce mouvement vous-même. Cela revient à dire que vous faites l’expérience virtuelle de participer à mon action. »
Et du virtuel au réel, il n’y a qu’un pas. Pour que cette rencontre et cette expérience sensorielle soient possibles, le musicien intervenant doit abandonner ses réflexes de perfection rythmique et de justesse, il doit ouvrir la porte à l’attente, à la digression, il doit partager avec l’enfant la plume qui écrit l’instant.
Un bébé de 5 mois est allongé sur le ventre, sur un tapis au milieu d’autres enfants et d’assistantes maternelles. Il s’agite et commence à pleurer. Ma collègue musicienne s’agenouille tout près de lui avec sa sanza (un piano à pouce, instrument traditionnel d’Afrique de l’Ouest). Elle s’adresse à lui, non seulement à travers les sons de l’instrument mais aussi avec tout son corps qui est recroquevillé vers le bébé, comme en miroir. Celui-ci tourne la tête, se calme, écoute attentivement, intensément. L’accordage se fait rapidement, l’échange se traduit également dans le regard et dans les mains de bébé qui s’agitent, comme pour jouer la sanza, lui aussi. Ce moment durera une minute peut-être, avant de nouveaux signes d’agitation (l’heure du repas approchait), mais il fut d’une richesse incroyable, simple et authentique.
Qui dirige ?
Je finirai avec cette expérience vécue en service de réanimation pédiatrique au chu de Strasbourg Hautepierre, en écho à celle du jeune papa que j’ai contée plus haut. La petite Judith, un mois à peine, est branchée, intubée et reste seule après le départ de l’infirmière. Guitare à la main, je me présente à la porte de sa chambre et n’en mène pas large. Des sons rauques émanent de ce petit corps malmené, l’émotion m’étreint car l’écho de cette situation est fort en moi. Je ne sais quoi jouer, l’infirmière ne m’a pas donné de consigne particulière, comme un éventuel besoin de stimulation ou de calme. Je n’ai que l’intention de créer un moment de plaisir, alors je me lance… Je ne me souviens plus du répertoire chanté ce jour-là, mais je me souviens très nettement de l’accordage entre Judith et moi, de l’improvisation, de cette partition éphémère écrite et jouée à deux voix, ajustée au gré d’un mouvement de ses doigts, d’un rythme de ma guitare, de l’ouverture de sa bouche, d’un chant que je murmure… Je me demande encore qui était le chef d’orchestre.
Permalink : http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49127
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.172-174[article] Faire de la musique avec le jeune enfant, une partition éphémère [texte imprimé] / Philippe BOUTELOUP, Auteur ; Stève Thoraud, Auteur . - 2021 . - p.172-174.
Langues : Français (fre)
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.172-174
Catégories : Alpha
C:Chant ; C:Crèche ; E:Empathie ; E:Enfant ; J:Jeune enfant ; M:Musique ; N:Neurone ; S:Son ; S:SubjectivitéRésumé : L’arrivée d’un enfant est synonyme de nouvelle partition, que l’on aura le périlleux privilège d’écrire et d’exécuter simultanément.
Mon premier fils naît : incrédulité, étonnement, émotions. Mais, mais, mais… il a quelques difficultés à respirer et doit filer en soins intensifs dans un autre hôpital. Je suivrai l’ambulance, et sa maman devra rester à la maternité. Choc ! Je pénètre dans la salle des incubateurs qui sont comme des refuges pour ces bébés branchés. Ici, les bips réduisent le silence au silence, et mon fils pleure, seul parmi les autres dans sa coquille de plastique. Je m’approche et lui tends mon doigt, qu’il saisit. Je chante alors, à travers mes sanglots de jeune papa désemparé, tout ce que je lui ai chanté durant ces derniers mois, lors de ces instants étranges où je m’adressais au ventre de sa maman : berceuses, comptines, chansons françaises et d’ailleurs. Mon fils cesse bien vite ses pleurs, tourne sa petite tête vers moi et une éternité passera, en musique. Notre partition avait commencé à s’écrire et à se jouer avant la naissance, in utero, à travers les chants, mais aussi les mots et les caresses sur le ventre, tout ce qui fut pénétré d’une intention vers ce bébé à naître, lui répondant à coups de pied. Une fois celui-ci accueilli dans sa famille, la partition continue, imparfaite mais toujours juste. Durant ce moment en soins intensifs, j’ai chanté les mêmes chansons que pendant la grossesse, mais l’arrangement était chamboulé, sans fioriture, avec un fort flot émotionnel : une partition en réinvention instantanée.
Pâte à modeler
Faire de la musique avec de très jeunes enfants nous demande de prendre cette métaphore de la partition au sens propre, et le paradoxe est que nous la composons et la jouons dans le même temps. Bien sûr nous apprenons et répétons des chansons faites de mélodies et de rythmes, de technique vocale et instrumentale, mais elles se réinventent toujours un peu en face au tout jeune enfant, elles deviennent, si on l’accepte, malléables, extensibles ou rétractables, une matière souple : « La musique est l’art de jouer avec les sons comme on joue avec de la pâte à modeler.
L’enfant-instrument participe à l’arrangement musical, y ajoute sa voix, son timbre, ses nuances et variations, et nous enjoint d’improviser.
Musique en crèche
Avec ma collègue musicienne, nous chantons « La pluie » : « Me voilà trempé, de la tête jusqu’aux… », la phrase reste en suspens, invitant les enfants à la terminer. Nous prenons la forme interrogative : «… jusqu’aux ? » Le temps s’étire, le silence semble long, trop long pour le musicien en déroute, tout bousculé qu’il est par cette imperfection rythmique. Nous répétons : « jusqu’aux ? », et la réponse arrive enfin : « … pieds ! » Elle est parfois inattendue et surprenante, comme ici : « Monsieur Pouce part en voyage, l’index porte sa valise, le majeur porte son manteau, l’annulaire porte son chapeau, petit auriculaire ne porte rien du tout, il court et court derrière comme un petit… doudou ! » nous répondra une petite fille, au lieu du « toutou ». Réécriture immédiate et créative ! Il existe beaucoup de chansons dans le répertoire jeune public qui sont propices au changement des paroles, ce qui est déjà un acte créatif partagé. Et quand la réponse ne vient pas, il faut parfois conclure soi-même, un peu frustré, accepter ce que l’on pourrait prendre pour un échec si l’on était mal avisé : « La véritable musique est le silence, et toutes les notes ne font qu’encadrer ce silence », disait Miles Davis. Une phrase à méditer pour tout musicien intervenant auprès de jeunes enfants ; car veut-on la réponse à tout prix, ou bien le jeu qui consiste à l’attendre ensemble, à sculpter le silence dans un même élan, tous à l’écoute, ouverts à la surprise ?
Une petite fille veut absolument toucher ma guitare quand je chante en m’accompagnant. Elle délaisse les petits instruments à disposition, pourtant investis par les autres enfants du groupe, car elle veut gratter, comme moi. Ses mains au format xxs se mêlent aux miennes, je ne peux bientôt plus jouer correctement, ma partition se réécrit sous mes yeux, je dois vite la retranscrire. Je garde la main gauche pour jouer les accords et abandonne l’usage de la droite, c’est la jeune fille qui gratte seule les cordes dorénavant. Je règle mon chant sur le rythme de sa main, la chanson ralentit, accélère, je m’adapte mais je crois que l’enfant s’adapte aussi, nous nous accordons, et le morceau prend une tournure inattendue, avec une guitare jouée à deux.
Même pattern
Nous savons aujourd’hui l’importance des neurones-miroirs dans l’intersubjectivité, cette capacité à imiter l’autre dans un processus empathique, cet accordage non seulement affectif mais aussi gestuel. Daniel Stern nous éclaire, tout en métaphore musicale : « Si vous me regardez attentivement quand je fais un geste, ce sont vos neurones-miroirs qui vont décharger, et décharger selon le pattern exact de mon mouvement, comme si vous aviez fait ce mouvement vous-même. Cela revient à dire que vous faites l’expérience virtuelle de participer à mon action. »
Et du virtuel au réel, il n’y a qu’un pas. Pour que cette rencontre et cette expérience sensorielle soient possibles, le musicien intervenant doit abandonner ses réflexes de perfection rythmique et de justesse, il doit ouvrir la porte à l’attente, à la digression, il doit partager avec l’enfant la plume qui écrit l’instant.
Un bébé de 5 mois est allongé sur le ventre, sur un tapis au milieu d’autres enfants et d’assistantes maternelles. Il s’agite et commence à pleurer. Ma collègue musicienne s’agenouille tout près de lui avec sa sanza (un piano à pouce, instrument traditionnel d’Afrique de l’Ouest). Elle s’adresse à lui, non seulement à travers les sons de l’instrument mais aussi avec tout son corps qui est recroquevillé vers le bébé, comme en miroir. Celui-ci tourne la tête, se calme, écoute attentivement, intensément. L’accordage se fait rapidement, l’échange se traduit également dans le regard et dans les mains de bébé qui s’agitent, comme pour jouer la sanza, lui aussi. Ce moment durera une minute peut-être, avant de nouveaux signes d’agitation (l’heure du repas approchait), mais il fut d’une richesse incroyable, simple et authentique.
Qui dirige ?
Je finirai avec cette expérience vécue en service de réanimation pédiatrique au chu de Strasbourg Hautepierre, en écho à celle du jeune papa que j’ai contée plus haut. La petite Judith, un mois à peine, est branchée, intubée et reste seule après le départ de l’infirmière. Guitare à la main, je me présente à la porte de sa chambre et n’en mène pas large. Des sons rauques émanent de ce petit corps malmené, l’émotion m’étreint car l’écho de cette situation est fort en moi. Je ne sais quoi jouer, l’infirmière ne m’a pas donné de consigne particulière, comme un éventuel besoin de stimulation ou de calme. Je n’ai que l’intention de créer un moment de plaisir, alors je me lance… Je ne me souviens plus du répertoire chanté ce jour-là, mais je me souviens très nettement de l’accordage entre Judith et moi, de l’improvisation, de cette partition éphémère écrite et jouée à deux voix, ajustée au gré d’un mouvement de ses doigts, d’un rythme de ma guitare, de l’ouverture de sa bouche, d’un chant que je murmure… Je me demande encore qui était le chef d’orchestre.
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