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Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé . n° 99L'attentionMention de date : Décembre 2021 Paru le : 01/12/2021 |
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T009429 | SPI | Revue | Tournai | Soins infirmiers (T) | Disponible |
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[article]
Titre : Accueillir un premier enfant... Puis un deuxième Type de document : texte imprimé Auteurs : Régine Prieur, Auteur Année de publication : 2021 Article en page(s) : p.178-180 Langues : Français (fre) Catégories : Alpha
A:Accouchement ; A:Accueil ; E:Enfant ; E:Expérience ; F:Famille ; G:Grossesse ; N:Nouveau-né ; P:Parent ; P:Préparation à la naissance ; T:TémoignageRésumé : Mars 2018, j’apprends que je suis enceinte de mon premier enfant. Naissent les premières angoisses mais, avec Hicham, le futur papa, nous sommes surtout fous de joie. Tout devient magique quand on pense à ce futur petit bébé. Une session shopping classique se transforme en session shopping bébé, une excursion au bord de la mer…, et on observe les familles d’un air béat en s’imaginant déjà à leur place dans quelques mois. Tout notre quotidien se teinte de cette future parentalité. Pendant les échographies, on est toujours émus d’apercevoir ce petit être. Dans l’intimité, Hicham me touche le ventre, parle au bébé. Il est très présent.
Le 10 novembre 2018, Mila voit le jour et tous les deux nous sommes inondés d’amour pour ce bébé dont on rêve depuis qu’on a appris ma grossesse. On est sur un petit nuage. Les premiers mois, je pleure souvent d’autant de bonheur. Je suis transcendée par cet amour inconditionnel qui est né en moi à l’instant où mon regard s’est posé sur ce bébé. Tous les jours, à chaque sourire, chaque gazouillis, chaque mimique, c’est comme un uppercut en plein cœur.
Mais cette émotion si forte dans les beaux moments l’est tout autant dans les moments difficiles. Chaque pleur me déchire le cœur, me retourne le ventre. Je me pose mille questions. Sur mes épaules pèse la responsabilité du bien-être de cet enfant, alors je fais attention à chaque détail. La couture des chaussettes doit être bien positionnée pour ne pas lui faire mal au pied, elle doit être habillée pour n’avoir ni trop chaud ni trop froid, et ce ne sont que quelques exemples. J’ai l’impression que mon cerveau est en ébullition et en état de veille permanent.
Quand Mila a eu un peu plus d’un an, on s’est dit qu’on avait trouvé nos marques, que les choses devenaient de plus en plus faciles mois après mois. Et surtout qu’on formait maintenant une véritable équipe avec Hicham, chacun de nous avait trouvé sa place en tant que parent. On s’est senti la force de repartir dans cette grande aventure avec un deuxième enfant. J’allaitais encore Mila à l’époque et nous savions que ça pouvait freiner la fertilité. Alors sans pression, on se lance dans ce nouveau projet. On s’imagine que quelques mois vont passer avant que je tombe enceinte. Et finalement, quinze jours après avoir arrêté ma contraception, la grande aventure recommence ! Nous sommes heureux mais nous n’avons pas vraiment le temps d’y penser car la folie du quotidien avec Mila continue. On a une petite fille pleine d’énergie qui nous prend beaucoup de temps. On a envie d’être des parents présents et de profiter d’elle au maximum. On ne veut pas laisser filer ces moments...
Pour se faire sa place, cette grossesse me cloue au lit les trois premiers mois. Le quotidien devient plus lourd à gérer et à assumer. On se dispute davantage avec Hicham. J’angoisse à l’idée d’avoir ce nouvel enfant que j’ai pourtant voulu. Je me rends compte de tout ce qu’on a traversé depuis qu’on a Mila, de toute l’énergie et les sacrifices que ça nous a demandés, et j’ai l’impression que je n’arriverai jamais à refaire tout ça. Et puis, toute cette magie qui entourait ma première grossesse n’est plus là. Ce n’est plus nouveau, on sait à quoi s’attendre.
Je culpabilise de ne pas ressentir cette même excitation. Je voudrais que cet enfant puisse ressentir tout cet amour qui était déjà là quand j’étais enceinte de Mila. Mais là, c’est un peu comme si la vie continuait d’avancer et que, en silence, je savais que tout allait bien pour ce petit être au chaud dans mon ventre. Petit à petit, les mois passent, le bébé se met à bouger et les craintes s’estompent, mais il est certain que contrairement à la première grossesse, la vie ne tourne pas autour de ce futur bébé mais autour de l’enfant qui est déjà là. Pourtant, ce partage de temps qu’il faudra opérer quand le nouveau bébé sera né se fait déjà ressentir et amène son flot de culpabilité. Je n’ai pas tout mon temps à consacrer à ce bébé qui grandit en moi, et en même temps je suis affaiblie par ma grossesse et je n’arrive pas à profiter de tout ce que je souhaiterais avec mon premier petit bout... Pas facile d’être une maman...
Le 4 décembre 2020, Calie voit le jour. C’est un merveilleux accouchement mais très rapide, si rapide que j’ai presque du mal à réaliser que j’ai accouché. Je suis heureuse mais je ne me sens pas transportée dans un autre monde comme lors de la naissance de Mila. Quatre jours après mon accouchement, j’accueille la sage-femme en pleurs. J’aimerais que le temps soit suspendu. Accueillir une nouvelle vie c’est quelque chose d’unique. Mais rien ne s’arrête. Mila n’est encore pas bien grande, alors le quotidien doit continuer, presque comme d’habitude. J’ai l’impression d’être lancée dans un train à mille à l’heure et de ne pouvoir rien lâcher. Mon électroencéphalogramme des émotions est à plat. Je suis complètement déstabilisée. Je pensais replonger dans cette folie que j’avais connue avec Mila, cet état de vigilance permanent, ces uppercuts d’amour et ces excès d’angoisse.
Je ne suis pas traversée par tant d’émotions... J’ai honte de moi et j’en pleure régulièrement. Pourquoi est-ce que je ne suis pas submergée d’amour comme la première fois ? Ce petit bébé ne mérite pas ça.
Les jours, les semaines passent. Notre nouveau quotidien se met en place et je sens une joie m’envahir, et l’amour grandir en moi. Je me régale à observer Calie évoluer. Je suis fascinée par le fait de pouvoir être tout aussi comblée par ce bébé pourtant si différent de ce qu’avait été Mila. Tout est fluide et instinctif avec elle. Je ne me prends pas la tête, je suis à son écoute et tout paraît bien plus simple que la première fois. Tous les jours, je me répète : « Calie, il est si doux d’être ta maman. » Je prends les choses avec beaucoup plus de philosophie. Je connais déjà la réalité du quotidien avec un bébé. Ne pas pouvoir manger ou prendre ma douche quand je le veux, et sans interruption, ce n’est plus une surprise. Et surtout, je sais que tout ça passe très vite au final.
Et je réalise alors que ce que je croyais être une absence d’amour pendant les premiers jours après sa naissance, c’était en fait cet amour différent mais tout aussi fort dont parlent tous les parents. Si je devais résumer en un mot mon expérience de mère avec chacune, je dirais qu’avec Mila c’est l’intensité, et avec Calie, la sérénité.
LuciePermalink : http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49124
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.178-180[article] Accueillir un premier enfant... Puis un deuxième [texte imprimé] / Régine Prieur, Auteur . - 2021 . - p.178-180.
Langues : Français (fre)
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.178-180
Catégories : Alpha
A:Accouchement ; A:Accueil ; E:Enfant ; E:Expérience ; F:Famille ; G:Grossesse ; N:Nouveau-né ; P:Parent ; P:Préparation à la naissance ; T:TémoignageRésumé : Mars 2018, j’apprends que je suis enceinte de mon premier enfant. Naissent les premières angoisses mais, avec Hicham, le futur papa, nous sommes surtout fous de joie. Tout devient magique quand on pense à ce futur petit bébé. Une session shopping classique se transforme en session shopping bébé, une excursion au bord de la mer…, et on observe les familles d’un air béat en s’imaginant déjà à leur place dans quelques mois. Tout notre quotidien se teinte de cette future parentalité. Pendant les échographies, on est toujours émus d’apercevoir ce petit être. Dans l’intimité, Hicham me touche le ventre, parle au bébé. Il est très présent.
Le 10 novembre 2018, Mila voit le jour et tous les deux nous sommes inondés d’amour pour ce bébé dont on rêve depuis qu’on a appris ma grossesse. On est sur un petit nuage. Les premiers mois, je pleure souvent d’autant de bonheur. Je suis transcendée par cet amour inconditionnel qui est né en moi à l’instant où mon regard s’est posé sur ce bébé. Tous les jours, à chaque sourire, chaque gazouillis, chaque mimique, c’est comme un uppercut en plein cœur.
Mais cette émotion si forte dans les beaux moments l’est tout autant dans les moments difficiles. Chaque pleur me déchire le cœur, me retourne le ventre. Je me pose mille questions. Sur mes épaules pèse la responsabilité du bien-être de cet enfant, alors je fais attention à chaque détail. La couture des chaussettes doit être bien positionnée pour ne pas lui faire mal au pied, elle doit être habillée pour n’avoir ni trop chaud ni trop froid, et ce ne sont que quelques exemples. J’ai l’impression que mon cerveau est en ébullition et en état de veille permanent.
Quand Mila a eu un peu plus d’un an, on s’est dit qu’on avait trouvé nos marques, que les choses devenaient de plus en plus faciles mois après mois. Et surtout qu’on formait maintenant une véritable équipe avec Hicham, chacun de nous avait trouvé sa place en tant que parent. On s’est senti la force de repartir dans cette grande aventure avec un deuxième enfant. J’allaitais encore Mila à l’époque et nous savions que ça pouvait freiner la fertilité. Alors sans pression, on se lance dans ce nouveau projet. On s’imagine que quelques mois vont passer avant que je tombe enceinte. Et finalement, quinze jours après avoir arrêté ma contraception, la grande aventure recommence ! Nous sommes heureux mais nous n’avons pas vraiment le temps d’y penser car la folie du quotidien avec Mila continue. On a une petite fille pleine d’énergie qui nous prend beaucoup de temps. On a envie d’être des parents présents et de profiter d’elle au maximum. On ne veut pas laisser filer ces moments...
Pour se faire sa place, cette grossesse me cloue au lit les trois premiers mois. Le quotidien devient plus lourd à gérer et à assumer. On se dispute davantage avec Hicham. J’angoisse à l’idée d’avoir ce nouvel enfant que j’ai pourtant voulu. Je me rends compte de tout ce qu’on a traversé depuis qu’on a Mila, de toute l’énergie et les sacrifices que ça nous a demandés, et j’ai l’impression que je n’arriverai jamais à refaire tout ça. Et puis, toute cette magie qui entourait ma première grossesse n’est plus là. Ce n’est plus nouveau, on sait à quoi s’attendre.
Je culpabilise de ne pas ressentir cette même excitation. Je voudrais que cet enfant puisse ressentir tout cet amour qui était déjà là quand j’étais enceinte de Mila. Mais là, c’est un peu comme si la vie continuait d’avancer et que, en silence, je savais que tout allait bien pour ce petit être au chaud dans mon ventre. Petit à petit, les mois passent, le bébé se met à bouger et les craintes s’estompent, mais il est certain que contrairement à la première grossesse, la vie ne tourne pas autour de ce futur bébé mais autour de l’enfant qui est déjà là. Pourtant, ce partage de temps qu’il faudra opérer quand le nouveau bébé sera né se fait déjà ressentir et amène son flot de culpabilité. Je n’ai pas tout mon temps à consacrer à ce bébé qui grandit en moi, et en même temps je suis affaiblie par ma grossesse et je n’arrive pas à profiter de tout ce que je souhaiterais avec mon premier petit bout... Pas facile d’être une maman...
Le 4 décembre 2020, Calie voit le jour. C’est un merveilleux accouchement mais très rapide, si rapide que j’ai presque du mal à réaliser que j’ai accouché. Je suis heureuse mais je ne me sens pas transportée dans un autre monde comme lors de la naissance de Mila. Quatre jours après mon accouchement, j’accueille la sage-femme en pleurs. J’aimerais que le temps soit suspendu. Accueillir une nouvelle vie c’est quelque chose d’unique. Mais rien ne s’arrête. Mila n’est encore pas bien grande, alors le quotidien doit continuer, presque comme d’habitude. J’ai l’impression d’être lancée dans un train à mille à l’heure et de ne pouvoir rien lâcher. Mon électroencéphalogramme des émotions est à plat. Je suis complètement déstabilisée. Je pensais replonger dans cette folie que j’avais connue avec Mila, cet état de vigilance permanent, ces uppercuts d’amour et ces excès d’angoisse.
Je ne suis pas traversée par tant d’émotions... J’ai honte de moi et j’en pleure régulièrement. Pourquoi est-ce que je ne suis pas submergée d’amour comme la première fois ? Ce petit bébé ne mérite pas ça.
Les jours, les semaines passent. Notre nouveau quotidien se met en place et je sens une joie m’envahir, et l’amour grandir en moi. Je me régale à observer Calie évoluer. Je suis fascinée par le fait de pouvoir être tout aussi comblée par ce bébé pourtant si différent de ce qu’avait été Mila. Tout est fluide et instinctif avec elle. Je ne me prends pas la tête, je suis à son écoute et tout paraît bien plus simple que la première fois. Tous les jours, je me répète : « Calie, il est si doux d’être ta maman. » Je prends les choses avec beaucoup plus de philosophie. Je connais déjà la réalité du quotidien avec un bébé. Ne pas pouvoir manger ou prendre ma douche quand je le veux, et sans interruption, ce n’est plus une surprise. Et surtout, je sais que tout ça passe très vite au final.
Et je réalise alors que ce que je croyais être une absence d’amour pendant les premiers jours après sa naissance, c’était en fait cet amour différent mais tout aussi fort dont parlent tous les parents. Si je devais résumer en un mot mon expérience de mère avec chacune, je dirais qu’avec Mila c’est l’intensité, et avec Calie, la sérénité.
LuciePermalink : http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49124 Exemplaires (1)
Code-barres Cote Support Localisation Section Disponibilité T009429 SPI Revue Tournai Soins infirmiers (T) Disponible Coopération et jeu pendant les soins, un signe de la qualité de la relation entre adulte et enfant / Miriam Rasse in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé, n° 99 (Décembre 2021)
[article]
Titre : Coopération et jeu pendant les soins, un signe de la qualité de la relation entre adulte et enfant Type de document : texte imprimé Auteurs : Miriam Rasse, Auteur ; Pikler Lòczy-France, Auteur Année de publication : 2021 Article en page(s) : p.181-183 Langues : Français (fre) Catégories : Alpha
A:Assistante maternelle ; C:Confiance ; J:Jeu ; M:Méthode Pikler-Lóczy ; N:Nouveau-né ; S:Soins ; T:TémoignageRésumé : Nouvelle nurse à Lóczy, dans les premiers temps, je n’avais que du travail « auxiliaire » auprès des nurses. J’observais, un peu envieuse, leurs relations avec les enfants… Puis, je fus introduite dans le groupe des nouveau-nés. Au début, j’ai dû me concentrer pour qu’ils soient à l’aise, qu’ils ne pleurent pas pendant le bain. Mais peu de temps après, je me suis aperçue qu’ils commençaient, eux aussi, à coopérer et à m’aider pendant les soins.
Gabi a vite fait de prendre goût au bain. Pendant que je le nettoie, il se crispe de moins en moins, je peux facilement essuyer ses plis avec du coton huilé. Zoltan est, à 3 mois, très content quand on le prend pour le baigner. En voyant le gant de toilette, il cligne de l’œil, il reste détendu pendant l’essuyage et, au moment de l’habillage, il touche la manche de la chemise avec des gestes incertains.
Des gestes de coopération deviennent ensuite de plus en plus nets : Gabor, dès 5 mois, tend sa main d’un geste sûr, et est le premier à commencer un jeu: il fait un mouvement vers la chemise mais, souvent, après l’avoir touchée, porte sa main derrière sa tête, en riant aux éclats et en plissant les yeux. Il s’amuse bien en tendant son pied au lieu de sa main. Alors, nous rions ensemble et sommes joyeux tous les deux.
Alors que je baigne Ferko, je savonne le gant de toilette et lui demande de me donner la main. Il la tend vers le gant. « Maintenant, je savonne l’autre ? » Ferko admire la mousse et me donne en riant, à plusieurs reprises, sa main déjà savonnée.
Les enfants faisant de grands progrès dans leur développement moteur se mettaient déjà facilement sur le ventre et se retournaient, vers 6 mois, ce qui donnait également lieu à un jeu. Par exemple, pendant le change, je veux juste attacher sa couche quand Attila, tout d’un coup, se met sur le ventre, et celle-ci se déplace : je dois recommencer l’opération, à la grande joie d’Attila. Dans l’eau, il frétille comme un poisson, tourné sur le ventre, sur le dos, barbotant : toute la salle est inondée !
Je ne peux pas peser Zoltan qui donne des coups de pied, empêchant ainsi la balance de se stabiliser. Quand je lui demande de s’arrêter un moment, il m’adresse un sourire, donne encore quelques coups de pied, et ce n’est qu’après que je peux le peser.
Vers 8 à 9 mois, les enfants rampent et marchent à quatre pattes avec adresse. Quand je les invite à manger ou bien à se baigner, ils se précipitent vers moi, puis se retournent à mi-chemin et, de là, rient de mon visage « déçu ».
Plus tard, lorsque les enfants se sont mis debout, la grenouillère a cédé la place à des pantalons, chaussettes et chaussons, ce qui est devenu source de nouvelles malices, de nouveaux talents : alors que, à ma demande, chacun ôte ses chaussons et ses chaussettes et me les dépose dans la main, Ferko fait semblant de les y mettre puis, brusquement, il les jette à côté.
Les enfants s’exercent à ôter leurs chaussons et leurs chaussettes, non seulement sur la table à langer mais aussi dans le parc. Ildiko ramasse les chaussons perdus en disant: « Tiens », et les pose dans ma main pour que je puisse les lui remettre. Elle est très contente d’être encouragée. Faisant du zèle, elle ramasse tous les chaussons, dit : « Tiens » et me les met dans la main. Quand elle n’en trouve plus dans le parc, elle s’assied, ôte les siens, me les apporte et s’attend à être félicitée.
Les enfants cherchent ensuite à imiter nos paroles. « Viens déjeuner », dis-je à Gabika. « Viens, viens » dit-elle, et elle oublie de venir. J’habille Ferko en lui disant le nom de ce que je lui mets : le maillot, la culotte... Alors il dit « pa-pa » en montrant les chaussons. « Je vais te les mettre, lui dis-je, et maintenant, mets ta main dans la chemise. » « Go-go », dit-il en me montrant les boutons sur sa poitrine, puis il constate, après avoir examiné ceux de ma tunique, que ce sont également des « go-go ».
À un an, ils se mettent debout sur la table de change, s’assoient, tendent leur main, leur pied, enlèvent celui-ci du pantalon... Ou bien ils font le contraire de ce qu’on leur demande et on ne manque pas d’en rire !
En grandissant, les enfants inventent toujours de nouvelles facéties : Zoltan a déjà 13 mois lorsque les après-midi, il vient avec moi dans le couloir. Il fait connaissance de l’environnement, il veut toucher à tout, essaie de monter ou de descendre l’escalier, entre dans le bureau des infirmières, il veut téléphoner. Quand je l’invite à regagner la pièce du groupe, il me suit jusqu’à la porte puis, pendant que je lui ouvre, fait demi-tour, et me regarde, du bout du couloir, en gloussant.
Les jeux de « coucou » les intéressent particulièrement en ce moment : Zoltan, sur la table de change, se cache les yeux de ses deux poings. Je l’entends rire et puis, brusquement, il me montre ses yeux. « Je t’ai retrouvé » dis-je, mais, une seconde plus tard, il « disparaît » à nouveau. Gabor et Gabika se mettent à quatre pattes et, en posant leur tête sur la table de change, me regardent entre leurs jambes. Maintenant, c’est à leur tour de me chercher. Quand ils m’aperçoivent, ils s’asseyent en disant : « je suis là », puis, quelques secondes plus tard, ils me regardent de nouveau entre leurs jambes. Ildeko met sur sa tête sa serviette de bain, Gabor la couverture, Gabika un foulard à pois, Attila son maillot. Ils jouent aussi, ainsi, entre eux. Gabika et Zoltan s’accroupissent, puis se redressent brusquement et rient aux éclats. Gabor et Ferko se poursuivent en marchant à quatre pattes, autour du banc. Celui qui aperçoit l’autre est le vainqueur.
Je prends soin de ces enfants depuis presque un an et demi. Nous, les nurses, nous cherchons à les baigner, les habiller, les nourrir, de telle sorte qu’ils puissent participer à ces opérations; nous cherchons à ce que leur coopération atteigne un niveau de plus en plus élevé. Ce sont toujours les enfants qui commencent à jouer, à nous taquiner et nous, simplement, nous nous amusons avec eux.
Pourquoi est-il bon de jouer pendant les soins, alors que cela prolonge le bain, l’habillage ? Quand l’enfant est taquin, cela veut dire qu’il veut prolonger la durée des soins parce qu’il s’y plaît. La journée devient ainsi plus variée, plus haute en couleur, et des rapports agréables se créent entre la nurse et l’enfant. Pour aucun d’entre eux, le bain, l’habillement, le repas ne sont une corvée, puisqu’ils rient et jouent.Permalink : http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49125
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.181-183[article] Coopération et jeu pendant les soins, un signe de la qualité de la relation entre adulte et enfant [texte imprimé] / Miriam Rasse, Auteur ; Pikler Lòczy-France, Auteur . - 2021 . - p.181-183.
Langues : Français (fre)
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.181-183
Catégories : Alpha
A:Assistante maternelle ; C:Confiance ; J:Jeu ; M:Méthode Pikler-Lóczy ; N:Nouveau-né ; S:Soins ; T:TémoignageRésumé : Nouvelle nurse à Lóczy, dans les premiers temps, je n’avais que du travail « auxiliaire » auprès des nurses. J’observais, un peu envieuse, leurs relations avec les enfants… Puis, je fus introduite dans le groupe des nouveau-nés. Au début, j’ai dû me concentrer pour qu’ils soient à l’aise, qu’ils ne pleurent pas pendant le bain. Mais peu de temps après, je me suis aperçue qu’ils commençaient, eux aussi, à coopérer et à m’aider pendant les soins.
Gabi a vite fait de prendre goût au bain. Pendant que je le nettoie, il se crispe de moins en moins, je peux facilement essuyer ses plis avec du coton huilé. Zoltan est, à 3 mois, très content quand on le prend pour le baigner. En voyant le gant de toilette, il cligne de l’œil, il reste détendu pendant l’essuyage et, au moment de l’habillage, il touche la manche de la chemise avec des gestes incertains.
Des gestes de coopération deviennent ensuite de plus en plus nets : Gabor, dès 5 mois, tend sa main d’un geste sûr, et est le premier à commencer un jeu: il fait un mouvement vers la chemise mais, souvent, après l’avoir touchée, porte sa main derrière sa tête, en riant aux éclats et en plissant les yeux. Il s’amuse bien en tendant son pied au lieu de sa main. Alors, nous rions ensemble et sommes joyeux tous les deux.
Alors que je baigne Ferko, je savonne le gant de toilette et lui demande de me donner la main. Il la tend vers le gant. « Maintenant, je savonne l’autre ? » Ferko admire la mousse et me donne en riant, à plusieurs reprises, sa main déjà savonnée.
Les enfants faisant de grands progrès dans leur développement moteur se mettaient déjà facilement sur le ventre et se retournaient, vers 6 mois, ce qui donnait également lieu à un jeu. Par exemple, pendant le change, je veux juste attacher sa couche quand Attila, tout d’un coup, se met sur le ventre, et celle-ci se déplace : je dois recommencer l’opération, à la grande joie d’Attila. Dans l’eau, il frétille comme un poisson, tourné sur le ventre, sur le dos, barbotant : toute la salle est inondée !
Je ne peux pas peser Zoltan qui donne des coups de pied, empêchant ainsi la balance de se stabiliser. Quand je lui demande de s’arrêter un moment, il m’adresse un sourire, donne encore quelques coups de pied, et ce n’est qu’après que je peux le peser.
Vers 8 à 9 mois, les enfants rampent et marchent à quatre pattes avec adresse. Quand je les invite à manger ou bien à se baigner, ils se précipitent vers moi, puis se retournent à mi-chemin et, de là, rient de mon visage « déçu ».
Plus tard, lorsque les enfants se sont mis debout, la grenouillère a cédé la place à des pantalons, chaussettes et chaussons, ce qui est devenu source de nouvelles malices, de nouveaux talents : alors que, à ma demande, chacun ôte ses chaussons et ses chaussettes et me les dépose dans la main, Ferko fait semblant de les y mettre puis, brusquement, il les jette à côté.
Les enfants s’exercent à ôter leurs chaussons et leurs chaussettes, non seulement sur la table à langer mais aussi dans le parc. Ildiko ramasse les chaussons perdus en disant: « Tiens », et les pose dans ma main pour que je puisse les lui remettre. Elle est très contente d’être encouragée. Faisant du zèle, elle ramasse tous les chaussons, dit : « Tiens » et me les met dans la main. Quand elle n’en trouve plus dans le parc, elle s’assied, ôte les siens, me les apporte et s’attend à être félicitée.
Les enfants cherchent ensuite à imiter nos paroles. « Viens déjeuner », dis-je à Gabika. « Viens, viens » dit-elle, et elle oublie de venir. J’habille Ferko en lui disant le nom de ce que je lui mets : le maillot, la culotte... Alors il dit « pa-pa » en montrant les chaussons. « Je vais te les mettre, lui dis-je, et maintenant, mets ta main dans la chemise. » « Go-go », dit-il en me montrant les boutons sur sa poitrine, puis il constate, après avoir examiné ceux de ma tunique, que ce sont également des « go-go ».
À un an, ils se mettent debout sur la table de change, s’assoient, tendent leur main, leur pied, enlèvent celui-ci du pantalon... Ou bien ils font le contraire de ce qu’on leur demande et on ne manque pas d’en rire !
En grandissant, les enfants inventent toujours de nouvelles facéties : Zoltan a déjà 13 mois lorsque les après-midi, il vient avec moi dans le couloir. Il fait connaissance de l’environnement, il veut toucher à tout, essaie de monter ou de descendre l’escalier, entre dans le bureau des infirmières, il veut téléphoner. Quand je l’invite à regagner la pièce du groupe, il me suit jusqu’à la porte puis, pendant que je lui ouvre, fait demi-tour, et me regarde, du bout du couloir, en gloussant.
Les jeux de « coucou » les intéressent particulièrement en ce moment : Zoltan, sur la table de change, se cache les yeux de ses deux poings. Je l’entends rire et puis, brusquement, il me montre ses yeux. « Je t’ai retrouvé » dis-je, mais, une seconde plus tard, il « disparaît » à nouveau. Gabor et Gabika se mettent à quatre pattes et, en posant leur tête sur la table de change, me regardent entre leurs jambes. Maintenant, c’est à leur tour de me chercher. Quand ils m’aperçoivent, ils s’asseyent en disant : « je suis là », puis, quelques secondes plus tard, ils me regardent de nouveau entre leurs jambes. Ildeko met sur sa tête sa serviette de bain, Gabor la couverture, Gabika un foulard à pois, Attila son maillot. Ils jouent aussi, ainsi, entre eux. Gabika et Zoltan s’accroupissent, puis se redressent brusquement et rient aux éclats. Gabor et Ferko se poursuivent en marchant à quatre pattes, autour du banc. Celui qui aperçoit l’autre est le vainqueur.
Je prends soin de ces enfants depuis presque un an et demi. Nous, les nurses, nous cherchons à les baigner, les habiller, les nourrir, de telle sorte qu’ils puissent participer à ces opérations; nous cherchons à ce que leur coopération atteigne un niveau de plus en plus élevé. Ce sont toujours les enfants qui commencent à jouer, à nous taquiner et nous, simplement, nous nous amusons avec eux.
Pourquoi est-il bon de jouer pendant les soins, alors que cela prolonge le bain, l’habillage ? Quand l’enfant est taquin, cela veut dire qu’il veut prolonger la durée des soins parce qu’il s’y plaît. La journée devient ainsi plus variée, plus haute en couleur, et des rapports agréables se créent entre la nurse et l’enfant. Pour aucun d’entre eux, le bain, l’habillement, le repas ne sont une corvée, puisqu’ils rient et jouent.Permalink : http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49125 Exemplaires (1)
Code-barres Cote Support Localisation Section Disponibilité T009429 SPI Revue Tournai Soins infirmiers (T) Disponible Entrouvrir les portes... / Christine Faure in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé, n° 99 (Décembre 2021)
[article]
Titre : Entrouvrir les portes... Type de document : texte imprimé Auteurs : Christine Faure, Auteur ; Géraldine Silvestre, Auteur Année de publication : 2021 Article en page(s) : p.175-177 Langues : Français (fre) Catégories : Alpha
C:Confiance ; F:Famille ; H:Handicap ; I:Inclusion ; I:Interaction sociale ; M:Masque ; P:Personne de confiance ; R:Relation interpersonnelle ; S:Soutien psychologique ; S:Surdité ; T:Témoignage ; T:Travail socialRésumé : La première intervention – prévue dans le cadre du dispositif « 20h périnat » – n’a pas pu avoir lieu : lorsque la tisf s’est présentée comme convenu un matin d’août, elle a trouvé porte close. Les parents du nouveau-né sont tous deux sourds. C’est l’aînée de cette famille recomposée, âgée de 14 ans, qui est désignée comme « personne ressource » et dont le numéro figure sur la feuille de prise en charge. C’est aussi elle qui permet à la tisf d’établir le lien avec son père et sa belle-mère, et donc l’échange. Ce matin-là, la jeune fille dormait et personne n’est venu ouvrir.
Pour la tisf, le travail d’analyse commence dès cette non-intervention. Il est rapidement compris qu’il faudra s’adapter, trouver des solutions pour avoir accès à la famille. C’est ainsi que la deuxième intervention est planifiée un après-midi.
Cette fois-ci la porte s’ouvre, et c’est la jeune fille qui accueille avec entrain la tisf. Son demi-frère, tout juste âgé de 2 ans et demi, est là aussi. C’est un pas de plus qui est réalisé dans l’intervention, mais ce n’est pas suffisant : en effet, les parents sont restés dans leur chambre. La jeune fille est invitée à aller les chercher afin que la tisf puisse les rencontrer, et c’est une maman en pyjama, les traits tirés et épuisée, qui se présente alors. Le père dort encore ainsi que le bébé.
L’analyse se poursuit, presque spontanée, imperceptible et rapide. La tisf repère, note et ressent, aussi. Avec l’expérience, elle sait où poser ses yeux et comment orienter son positionnement avec délicatesse. L’environnement, les attitudes, le bruit… La maison est propre et ordonnée, avec un équipement très sommaire mais adapté, tandis qu’à la télé, des comptines pour enfants tournent en boucle. Très vite, les premiers objectifs de travail apparaissent à la professionnelle, qui évolueront et s’affineront au fil des interventions.
Le cadet tente d’attirer son attention et cherche à jouer et à « partager » avec elle ; il se révèle particulièrement sociable, souriant mais aussi très actif et bruyant. Il a sûrement besoin de se dépenser ? Mais c’est surtout la jeune fille qui interpelle la tisf. Elle se démarque alors par son implication, sa loquacité, sa recherche du dialogue.
À l’opposé, l’attitude de la mère tranche complètement avec celle des enfants, et le lien est difficile à établir avec elle, au-delà des difficultés induites par son handicap. Très vite, la tisf perçoit qu’elle n’est vraiment pas disposée à entrer en communication : elle ne la regarde que très peu et ne tente pas d’échanger directement avec elle, se reposant entièrement sur sa belle-fille. Comme de nombreuses autres jeunes mères, elle ne sait trop que dire ou demander.
C’est cependant dans cette dualité familiale que la tisf trouvera une porte de sortie, lorsque la situation semblera se compliquer. En effet, la mère exprime très vite sa fatigue et son besoin de retourner se reposer, et propose même à la tisf de fixer un nouveau rendez-vous. Celle-ci sent que la porte se referme doucement, mettant en péril la suite des interventions. Pour elle, c’est un fait : si elle s’en va maintenant, il lui sera sûrement très difficile de revenir. Là encore, la recherche d’une solution doit être rapide, et c’est auprès des enfants, qui sont clairement demandeurs, que la tisf fera le choix de s’ancrer.
Un choix qui s’avèrera payant. Bien souvent, c’est en créant du lien en premier lieu avec les enfants et en établissant avec eux un climat de confiance que les réticences des parents tombent. C’est alors un important exercice d’habileté que la tisf doit réaliser. Elle propose aux enfants de sortir, proposition qui fera l’unanimité, et passera ce jour-là presque trois heures au parc. L’occasion pour elle d’offrir une bouffée d’air frais au jeune enfant qui prend plaisir à jouer avec ses pairs, et d’en apprendre davantage sur l’aînée, sur son rôle et ses « missions » au sein de la famille, qui interrogent du fait de son jeune âge. C’est alors une adolescente totalement parentifiée qui se dévoile à la tisf. Au-delà de l’aide précieuse qu’elle apporte au foyer, la jeune fille – qui n’a pas un passif évident du fait de relations tendues avec sa mère biologique – fait preuve d’une maturité, d’une lucidité et d’un recul sur sa situation déconcertants du haut de ses 14 ans. Ses préoccupations, qu’elle indique être à mille lieues de celles des jeunes de son âge, creusent le fossé entre elle et eux, et semblent la plonger dans un douloureux isolement. De la même manière, elle prend à cœur le bien-être de son petit frère à qui elle souhaite éviter les difficultés qu’elle a pu rencontrer. Parallèlement, elle témoigne de la bienveillance à l’égard de son père et de celle qu’elle considère comme sa mère, et de leur implication dans son bien-être et son éducation.
Toute la difficulté de l’intervention, dans ce contexte où le handicap sensoriel se présente comme un frein à la communication, est alors de trouver un équilibre entre le rôle d’intermédiaire de la jeune fille, parfois indispensable, et la nécessité de la préserver et de la replacer dans le rôle qui est le sien : celui d’une jeune adolescente, d’une grande sœur. Cet équilibre, c’est à travers la progression dans l’adhésion de la famille qu’il s’est doucement construit.
L’adhésion des proches, dont les enfants, à l’intervention tisf a sans nul doute contribué à celle des parents, et ouvert la voie au dialogue avec eux. D’abord avec parcimonie. Lors de la visite suivante de la tisf, à nouveau les parents ne l’ont pas accueillie, cloîtrés dans leur chambre. Une fois encore, c’est surtout auprès des enfants qu’elle a poursuivi son intervention, les parents ne montrant que très peu d’intérêt à leurs activités.
C’est finalement un travail de fond que la tisf doit mener. Aider du mieux qu’elle peut, s’adapter en continu et travailler la relation. De manière subtile, elle doit saisir toutes les opportunités, toutes les ouvertures lui permettant de montrer par des actions concrètes l’éventail de compétences dont elle dispose et l’aide qu’elle peut apporter.
Lorsque, lors de sa seconde visite, elle répond à la demande de la mère d’avoir de l’aide pour nettoyer le sol de sa maison, par exemple, deux choses s’enclenchent : d’une part, la mère bénéficie de l’aide dont elle avait besoin, son sol est propre, elle est soulagée d’une tâche qu’il était momentanément difficile pour elle d’accomplir seule. D’autre part, elle sait maintenant qu’elle peut compter sur l’aide de la tisf lors de ses interventions, et peut désormais se saisir des interventions et de leur utilité.
Dans les interventions en périnatalité, il est aussi important de considérer le contexte du post-partum et ses difficultés. Cela implique aussi de mobiliser l’observation à d’autres égards, afin de sentir quand la mère se « ferme » et de percevoir quand il est meilleur de se retirer, ou de sortir avec les enfants afin de lui permettre de se reposer. C’est par tous ces aspects que, petit à petit, l’intervention a évolué.
La mise à disposition d’un masque inclusif est tombée à pic lorsque l’aînée est retournée à l’école, le petit garçon ayant également fait sa première rentrée. Dans un contexte sans nul doute plus serein, tisf et parents ont enfin pu échanger de manière directe, sans avoir besoin de passer par la jeune fille. Plus en confiance en voyant leurs enfants épanouis lors des interventions, ils se sont réellement ouverts.
Le masque inclusif a permis la lecture sur les lèvres, salvatrice. Mais c’est également par les gestes, par l’écriture (ils ne savent pas lire, mais parviennent à déchiffrer à et écrire quelques mots), qu’ils se sont présentés de manière plus intime et ont également présenté leur bébé, raconté leur parcours, leur histoire, leur rencontre. Ils ont également pu poser des questions sur le bébé et sur les soins.
À ce moment-là, les difficultés du début semblent loin. Les interventions sont bientôt terminées, mais l’ensemble de la famille s’est saisie de la présence de la tisf au domicile et a exprimé le souhait de poursuivre les interventions tisf au-delà des vingt heures prévues dans le dispositif. En effet, chacun y a trouvé du positif : du soutien et de l’écoute pour les parents, et, dans cette situation singulière, la prise de relais de la tisf au regard du rôle tenu par l’aînée de la famille. Elle a ainsi pu souffler, s’occuper de son inscription à l’école, se confier, et également verbaliser qu’elle était consciente du bénéfice que lui apporterait un suivi psychologique.
Lors de la dernière intervention de la tisf, la mère et la jeune fille sont toutes les deux présentes. Elles discutent, plaisantent, font du rangement. Vient l’heure de la reprise des cours et il faut accompagner l’adolescente au lycée, celle-ci a raté le bus. C’est aussi le moment des au revoir. Définitivement, la porte est ouverte.Permalink : http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49126
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.175-177[article] Entrouvrir les portes... [texte imprimé] / Christine Faure, Auteur ; Géraldine Silvestre, Auteur . - 2021 . - p.175-177.
Langues : Français (fre)
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.175-177
Catégories : Alpha
C:Confiance ; F:Famille ; H:Handicap ; I:Inclusion ; I:Interaction sociale ; M:Masque ; P:Personne de confiance ; R:Relation interpersonnelle ; S:Soutien psychologique ; S:Surdité ; T:Témoignage ; T:Travail socialRésumé : La première intervention – prévue dans le cadre du dispositif « 20h périnat » – n’a pas pu avoir lieu : lorsque la tisf s’est présentée comme convenu un matin d’août, elle a trouvé porte close. Les parents du nouveau-né sont tous deux sourds. C’est l’aînée de cette famille recomposée, âgée de 14 ans, qui est désignée comme « personne ressource » et dont le numéro figure sur la feuille de prise en charge. C’est aussi elle qui permet à la tisf d’établir le lien avec son père et sa belle-mère, et donc l’échange. Ce matin-là, la jeune fille dormait et personne n’est venu ouvrir.
Pour la tisf, le travail d’analyse commence dès cette non-intervention. Il est rapidement compris qu’il faudra s’adapter, trouver des solutions pour avoir accès à la famille. C’est ainsi que la deuxième intervention est planifiée un après-midi.
Cette fois-ci la porte s’ouvre, et c’est la jeune fille qui accueille avec entrain la tisf. Son demi-frère, tout juste âgé de 2 ans et demi, est là aussi. C’est un pas de plus qui est réalisé dans l’intervention, mais ce n’est pas suffisant : en effet, les parents sont restés dans leur chambre. La jeune fille est invitée à aller les chercher afin que la tisf puisse les rencontrer, et c’est une maman en pyjama, les traits tirés et épuisée, qui se présente alors. Le père dort encore ainsi que le bébé.
L’analyse se poursuit, presque spontanée, imperceptible et rapide. La tisf repère, note et ressent, aussi. Avec l’expérience, elle sait où poser ses yeux et comment orienter son positionnement avec délicatesse. L’environnement, les attitudes, le bruit… La maison est propre et ordonnée, avec un équipement très sommaire mais adapté, tandis qu’à la télé, des comptines pour enfants tournent en boucle. Très vite, les premiers objectifs de travail apparaissent à la professionnelle, qui évolueront et s’affineront au fil des interventions.
Le cadet tente d’attirer son attention et cherche à jouer et à « partager » avec elle ; il se révèle particulièrement sociable, souriant mais aussi très actif et bruyant. Il a sûrement besoin de se dépenser ? Mais c’est surtout la jeune fille qui interpelle la tisf. Elle se démarque alors par son implication, sa loquacité, sa recherche du dialogue.
À l’opposé, l’attitude de la mère tranche complètement avec celle des enfants, et le lien est difficile à établir avec elle, au-delà des difficultés induites par son handicap. Très vite, la tisf perçoit qu’elle n’est vraiment pas disposée à entrer en communication : elle ne la regarde que très peu et ne tente pas d’échanger directement avec elle, se reposant entièrement sur sa belle-fille. Comme de nombreuses autres jeunes mères, elle ne sait trop que dire ou demander.
C’est cependant dans cette dualité familiale que la tisf trouvera une porte de sortie, lorsque la situation semblera se compliquer. En effet, la mère exprime très vite sa fatigue et son besoin de retourner se reposer, et propose même à la tisf de fixer un nouveau rendez-vous. Celle-ci sent que la porte se referme doucement, mettant en péril la suite des interventions. Pour elle, c’est un fait : si elle s’en va maintenant, il lui sera sûrement très difficile de revenir. Là encore, la recherche d’une solution doit être rapide, et c’est auprès des enfants, qui sont clairement demandeurs, que la tisf fera le choix de s’ancrer.
Un choix qui s’avèrera payant. Bien souvent, c’est en créant du lien en premier lieu avec les enfants et en établissant avec eux un climat de confiance que les réticences des parents tombent. C’est alors un important exercice d’habileté que la tisf doit réaliser. Elle propose aux enfants de sortir, proposition qui fera l’unanimité, et passera ce jour-là presque trois heures au parc. L’occasion pour elle d’offrir une bouffée d’air frais au jeune enfant qui prend plaisir à jouer avec ses pairs, et d’en apprendre davantage sur l’aînée, sur son rôle et ses « missions » au sein de la famille, qui interrogent du fait de son jeune âge. C’est alors une adolescente totalement parentifiée qui se dévoile à la tisf. Au-delà de l’aide précieuse qu’elle apporte au foyer, la jeune fille – qui n’a pas un passif évident du fait de relations tendues avec sa mère biologique – fait preuve d’une maturité, d’une lucidité et d’un recul sur sa situation déconcertants du haut de ses 14 ans. Ses préoccupations, qu’elle indique être à mille lieues de celles des jeunes de son âge, creusent le fossé entre elle et eux, et semblent la plonger dans un douloureux isolement. De la même manière, elle prend à cœur le bien-être de son petit frère à qui elle souhaite éviter les difficultés qu’elle a pu rencontrer. Parallèlement, elle témoigne de la bienveillance à l’égard de son père et de celle qu’elle considère comme sa mère, et de leur implication dans son bien-être et son éducation.
Toute la difficulté de l’intervention, dans ce contexte où le handicap sensoriel se présente comme un frein à la communication, est alors de trouver un équilibre entre le rôle d’intermédiaire de la jeune fille, parfois indispensable, et la nécessité de la préserver et de la replacer dans le rôle qui est le sien : celui d’une jeune adolescente, d’une grande sœur. Cet équilibre, c’est à travers la progression dans l’adhésion de la famille qu’il s’est doucement construit.
L’adhésion des proches, dont les enfants, à l’intervention tisf a sans nul doute contribué à celle des parents, et ouvert la voie au dialogue avec eux. D’abord avec parcimonie. Lors de la visite suivante de la tisf, à nouveau les parents ne l’ont pas accueillie, cloîtrés dans leur chambre. Une fois encore, c’est surtout auprès des enfants qu’elle a poursuivi son intervention, les parents ne montrant que très peu d’intérêt à leurs activités.
C’est finalement un travail de fond que la tisf doit mener. Aider du mieux qu’elle peut, s’adapter en continu et travailler la relation. De manière subtile, elle doit saisir toutes les opportunités, toutes les ouvertures lui permettant de montrer par des actions concrètes l’éventail de compétences dont elle dispose et l’aide qu’elle peut apporter.
Lorsque, lors de sa seconde visite, elle répond à la demande de la mère d’avoir de l’aide pour nettoyer le sol de sa maison, par exemple, deux choses s’enclenchent : d’une part, la mère bénéficie de l’aide dont elle avait besoin, son sol est propre, elle est soulagée d’une tâche qu’il était momentanément difficile pour elle d’accomplir seule. D’autre part, elle sait maintenant qu’elle peut compter sur l’aide de la tisf lors de ses interventions, et peut désormais se saisir des interventions et de leur utilité.
Dans les interventions en périnatalité, il est aussi important de considérer le contexte du post-partum et ses difficultés. Cela implique aussi de mobiliser l’observation à d’autres égards, afin de sentir quand la mère se « ferme » et de percevoir quand il est meilleur de se retirer, ou de sortir avec les enfants afin de lui permettre de se reposer. C’est par tous ces aspects que, petit à petit, l’intervention a évolué.
La mise à disposition d’un masque inclusif est tombée à pic lorsque l’aînée est retournée à l’école, le petit garçon ayant également fait sa première rentrée. Dans un contexte sans nul doute plus serein, tisf et parents ont enfin pu échanger de manière directe, sans avoir besoin de passer par la jeune fille. Plus en confiance en voyant leurs enfants épanouis lors des interventions, ils se sont réellement ouverts.
Le masque inclusif a permis la lecture sur les lèvres, salvatrice. Mais c’est également par les gestes, par l’écriture (ils ne savent pas lire, mais parviennent à déchiffrer à et écrire quelques mots), qu’ils se sont présentés de manière plus intime et ont également présenté leur bébé, raconté leur parcours, leur histoire, leur rencontre. Ils ont également pu poser des questions sur le bébé et sur les soins.
À ce moment-là, les difficultés du début semblent loin. Les interventions sont bientôt terminées, mais l’ensemble de la famille s’est saisie de la présence de la tisf au domicile et a exprimé le souhait de poursuivre les interventions tisf au-delà des vingt heures prévues dans le dispositif. En effet, chacun y a trouvé du positif : du soutien et de l’écoute pour les parents, et, dans cette situation singulière, la prise de relais de la tisf au regard du rôle tenu par l’aînée de la famille. Elle a ainsi pu souffler, s’occuper de son inscription à l’école, se confier, et également verbaliser qu’elle était consciente du bénéfice que lui apporterait un suivi psychologique.
Lors de la dernière intervention de la tisf, la mère et la jeune fille sont toutes les deux présentes. Elles discutent, plaisantent, font du rangement. Vient l’heure de la reprise des cours et il faut accompagner l’adolescente au lycée, celle-ci a raté le bus. C’est aussi le moment des au revoir. Définitivement, la porte est ouverte.Permalink : http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49126 Exemplaires (1)
Code-barres Cote Support Localisation Section Disponibilité T009429 SPI Revue Tournai Soins infirmiers (T) Disponible Faire de la musique avec le jeune enfant, une partition éphémère / Philippe BOUTELOUP in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé, n° 99 (Décembre 2021)
[article]
Titre : Faire de la musique avec le jeune enfant, une partition éphémère Type de document : texte imprimé Auteurs : Philippe BOUTELOUP, Auteur ; Stève Thoraud, Auteur Année de publication : 2021 Article en page(s) : p.172-174 Langues : Français (fre) Catégories : Alpha
C:Chant ; C:Crèche ; E:Empathie ; E:Enfant ; J:Jeune enfant ; M:Musique ; N:Neurone ; S:Son ; S:SubjectivitéRésumé : L’arrivée d’un enfant est synonyme de nouvelle partition, que l’on aura le périlleux privilège d’écrire et d’exécuter simultanément.
Mon premier fils naît : incrédulité, étonnement, émotions. Mais, mais, mais… il a quelques difficultés à respirer et doit filer en soins intensifs dans un autre hôpital. Je suivrai l’ambulance, et sa maman devra rester à la maternité. Choc ! Je pénètre dans la salle des incubateurs qui sont comme des refuges pour ces bébés branchés. Ici, les bips réduisent le silence au silence, et mon fils pleure, seul parmi les autres dans sa coquille de plastique. Je m’approche et lui tends mon doigt, qu’il saisit. Je chante alors, à travers mes sanglots de jeune papa désemparé, tout ce que je lui ai chanté durant ces derniers mois, lors de ces instants étranges où je m’adressais au ventre de sa maman : berceuses, comptines, chansons françaises et d’ailleurs. Mon fils cesse bien vite ses pleurs, tourne sa petite tête vers moi et une éternité passera, en musique. Notre partition avait commencé à s’écrire et à se jouer avant la naissance, in utero, à travers les chants, mais aussi les mots et les caresses sur le ventre, tout ce qui fut pénétré d’une intention vers ce bébé à naître, lui répondant à coups de pied. Une fois celui-ci accueilli dans sa famille, la partition continue, imparfaite mais toujours juste. Durant ce moment en soins intensifs, j’ai chanté les mêmes chansons que pendant la grossesse, mais l’arrangement était chamboulé, sans fioriture, avec un fort flot émotionnel : une partition en réinvention instantanée.
Pâte à modeler
Faire de la musique avec de très jeunes enfants nous demande de prendre cette métaphore de la partition au sens propre, et le paradoxe est que nous la composons et la jouons dans le même temps. Bien sûr nous apprenons et répétons des chansons faites de mélodies et de rythmes, de technique vocale et instrumentale, mais elles se réinventent toujours un peu en face au tout jeune enfant, elles deviennent, si on l’accepte, malléables, extensibles ou rétractables, une matière souple : « La musique est l’art de jouer avec les sons comme on joue avec de la pâte à modeler.
L’enfant-instrument participe à l’arrangement musical, y ajoute sa voix, son timbre, ses nuances et variations, et nous enjoint d’improviser.
Musique en crèche
Avec ma collègue musicienne, nous chantons « La pluie » : « Me voilà trempé, de la tête jusqu’aux… », la phrase reste en suspens, invitant les enfants à la terminer. Nous prenons la forme interrogative : «… jusqu’aux ? » Le temps s’étire, le silence semble long, trop long pour le musicien en déroute, tout bousculé qu’il est par cette imperfection rythmique. Nous répétons : « jusqu’aux ? », et la réponse arrive enfin : « … pieds ! » Elle est parfois inattendue et surprenante, comme ici : « Monsieur Pouce part en voyage, l’index porte sa valise, le majeur porte son manteau, l’annulaire porte son chapeau, petit auriculaire ne porte rien du tout, il court et court derrière comme un petit… doudou ! » nous répondra une petite fille, au lieu du « toutou ». Réécriture immédiate et créative ! Il existe beaucoup de chansons dans le répertoire jeune public qui sont propices au changement des paroles, ce qui est déjà un acte créatif partagé. Et quand la réponse ne vient pas, il faut parfois conclure soi-même, un peu frustré, accepter ce que l’on pourrait prendre pour un échec si l’on était mal avisé : « La véritable musique est le silence, et toutes les notes ne font qu’encadrer ce silence », disait Miles Davis. Une phrase à méditer pour tout musicien intervenant auprès de jeunes enfants ; car veut-on la réponse à tout prix, ou bien le jeu qui consiste à l’attendre ensemble, à sculpter le silence dans un même élan, tous à l’écoute, ouverts à la surprise ?
Une petite fille veut absolument toucher ma guitare quand je chante en m’accompagnant. Elle délaisse les petits instruments à disposition, pourtant investis par les autres enfants du groupe, car elle veut gratter, comme moi. Ses mains au format xxs se mêlent aux miennes, je ne peux bientôt plus jouer correctement, ma partition se réécrit sous mes yeux, je dois vite la retranscrire. Je garde la main gauche pour jouer les accords et abandonne l’usage de la droite, c’est la jeune fille qui gratte seule les cordes dorénavant. Je règle mon chant sur le rythme de sa main, la chanson ralentit, accélère, je m’adapte mais je crois que l’enfant s’adapte aussi, nous nous accordons, et le morceau prend une tournure inattendue, avec une guitare jouée à deux.
Même pattern
Nous savons aujourd’hui l’importance des neurones-miroirs dans l’intersubjectivité, cette capacité à imiter l’autre dans un processus empathique, cet accordage non seulement affectif mais aussi gestuel. Daniel Stern nous éclaire, tout en métaphore musicale : « Si vous me regardez attentivement quand je fais un geste, ce sont vos neurones-miroirs qui vont décharger, et décharger selon le pattern exact de mon mouvement, comme si vous aviez fait ce mouvement vous-même. Cela revient à dire que vous faites l’expérience virtuelle de participer à mon action. »
Et du virtuel au réel, il n’y a qu’un pas. Pour que cette rencontre et cette expérience sensorielle soient possibles, le musicien intervenant doit abandonner ses réflexes de perfection rythmique et de justesse, il doit ouvrir la porte à l’attente, à la digression, il doit partager avec l’enfant la plume qui écrit l’instant.
Un bébé de 5 mois est allongé sur le ventre, sur un tapis au milieu d’autres enfants et d’assistantes maternelles. Il s’agite et commence à pleurer. Ma collègue musicienne s’agenouille tout près de lui avec sa sanza (un piano à pouce, instrument traditionnel d’Afrique de l’Ouest). Elle s’adresse à lui, non seulement à travers les sons de l’instrument mais aussi avec tout son corps qui est recroquevillé vers le bébé, comme en miroir. Celui-ci tourne la tête, se calme, écoute attentivement, intensément. L’accordage se fait rapidement, l’échange se traduit également dans le regard et dans les mains de bébé qui s’agitent, comme pour jouer la sanza, lui aussi. Ce moment durera une minute peut-être, avant de nouveaux signes d’agitation (l’heure du repas approchait), mais il fut d’une richesse incroyable, simple et authentique.
Qui dirige ?
Je finirai avec cette expérience vécue en service de réanimation pédiatrique au chu de Strasbourg Hautepierre, en écho à celle du jeune papa que j’ai contée plus haut. La petite Judith, un mois à peine, est branchée, intubée et reste seule après le départ de l’infirmière. Guitare à la main, je me présente à la porte de sa chambre et n’en mène pas large. Des sons rauques émanent de ce petit corps malmené, l’émotion m’étreint car l’écho de cette situation est fort en moi. Je ne sais quoi jouer, l’infirmière ne m’a pas donné de consigne particulière, comme un éventuel besoin de stimulation ou de calme. Je n’ai que l’intention de créer un moment de plaisir, alors je me lance… Je ne me souviens plus du répertoire chanté ce jour-là, mais je me souviens très nettement de l’accordage entre Judith et moi, de l’improvisation, de cette partition éphémère écrite et jouée à deux voix, ajustée au gré d’un mouvement de ses doigts, d’un rythme de ma guitare, de l’ouverture de sa bouche, d’un chant que je murmure… Je me demande encore qui était le chef d’orchestre.
Permalink : http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49127
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.172-174[article] Faire de la musique avec le jeune enfant, une partition éphémère [texte imprimé] / Philippe BOUTELOUP, Auteur ; Stève Thoraud, Auteur . - 2021 . - p.172-174.
Langues : Français (fre)
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.172-174
Catégories : Alpha
C:Chant ; C:Crèche ; E:Empathie ; E:Enfant ; J:Jeune enfant ; M:Musique ; N:Neurone ; S:Son ; S:SubjectivitéRésumé : L’arrivée d’un enfant est synonyme de nouvelle partition, que l’on aura le périlleux privilège d’écrire et d’exécuter simultanément.
Mon premier fils naît : incrédulité, étonnement, émotions. Mais, mais, mais… il a quelques difficultés à respirer et doit filer en soins intensifs dans un autre hôpital. Je suivrai l’ambulance, et sa maman devra rester à la maternité. Choc ! Je pénètre dans la salle des incubateurs qui sont comme des refuges pour ces bébés branchés. Ici, les bips réduisent le silence au silence, et mon fils pleure, seul parmi les autres dans sa coquille de plastique. Je m’approche et lui tends mon doigt, qu’il saisit. Je chante alors, à travers mes sanglots de jeune papa désemparé, tout ce que je lui ai chanté durant ces derniers mois, lors de ces instants étranges où je m’adressais au ventre de sa maman : berceuses, comptines, chansons françaises et d’ailleurs. Mon fils cesse bien vite ses pleurs, tourne sa petite tête vers moi et une éternité passera, en musique. Notre partition avait commencé à s’écrire et à se jouer avant la naissance, in utero, à travers les chants, mais aussi les mots et les caresses sur le ventre, tout ce qui fut pénétré d’une intention vers ce bébé à naître, lui répondant à coups de pied. Une fois celui-ci accueilli dans sa famille, la partition continue, imparfaite mais toujours juste. Durant ce moment en soins intensifs, j’ai chanté les mêmes chansons que pendant la grossesse, mais l’arrangement était chamboulé, sans fioriture, avec un fort flot émotionnel : une partition en réinvention instantanée.
Pâte à modeler
Faire de la musique avec de très jeunes enfants nous demande de prendre cette métaphore de la partition au sens propre, et le paradoxe est que nous la composons et la jouons dans le même temps. Bien sûr nous apprenons et répétons des chansons faites de mélodies et de rythmes, de technique vocale et instrumentale, mais elles se réinventent toujours un peu en face au tout jeune enfant, elles deviennent, si on l’accepte, malléables, extensibles ou rétractables, une matière souple : « La musique est l’art de jouer avec les sons comme on joue avec de la pâte à modeler.
L’enfant-instrument participe à l’arrangement musical, y ajoute sa voix, son timbre, ses nuances et variations, et nous enjoint d’improviser.
Musique en crèche
Avec ma collègue musicienne, nous chantons « La pluie » : « Me voilà trempé, de la tête jusqu’aux… », la phrase reste en suspens, invitant les enfants à la terminer. Nous prenons la forme interrogative : «… jusqu’aux ? » Le temps s’étire, le silence semble long, trop long pour le musicien en déroute, tout bousculé qu’il est par cette imperfection rythmique. Nous répétons : « jusqu’aux ? », et la réponse arrive enfin : « … pieds ! » Elle est parfois inattendue et surprenante, comme ici : « Monsieur Pouce part en voyage, l’index porte sa valise, le majeur porte son manteau, l’annulaire porte son chapeau, petit auriculaire ne porte rien du tout, il court et court derrière comme un petit… doudou ! » nous répondra une petite fille, au lieu du « toutou ». Réécriture immédiate et créative ! Il existe beaucoup de chansons dans le répertoire jeune public qui sont propices au changement des paroles, ce qui est déjà un acte créatif partagé. Et quand la réponse ne vient pas, il faut parfois conclure soi-même, un peu frustré, accepter ce que l’on pourrait prendre pour un échec si l’on était mal avisé : « La véritable musique est le silence, et toutes les notes ne font qu’encadrer ce silence », disait Miles Davis. Une phrase à méditer pour tout musicien intervenant auprès de jeunes enfants ; car veut-on la réponse à tout prix, ou bien le jeu qui consiste à l’attendre ensemble, à sculpter le silence dans un même élan, tous à l’écoute, ouverts à la surprise ?
Une petite fille veut absolument toucher ma guitare quand je chante en m’accompagnant. Elle délaisse les petits instruments à disposition, pourtant investis par les autres enfants du groupe, car elle veut gratter, comme moi. Ses mains au format xxs se mêlent aux miennes, je ne peux bientôt plus jouer correctement, ma partition se réécrit sous mes yeux, je dois vite la retranscrire. Je garde la main gauche pour jouer les accords et abandonne l’usage de la droite, c’est la jeune fille qui gratte seule les cordes dorénavant. Je règle mon chant sur le rythme de sa main, la chanson ralentit, accélère, je m’adapte mais je crois que l’enfant s’adapte aussi, nous nous accordons, et le morceau prend une tournure inattendue, avec une guitare jouée à deux.
Même pattern
Nous savons aujourd’hui l’importance des neurones-miroirs dans l’intersubjectivité, cette capacité à imiter l’autre dans un processus empathique, cet accordage non seulement affectif mais aussi gestuel. Daniel Stern nous éclaire, tout en métaphore musicale : « Si vous me regardez attentivement quand je fais un geste, ce sont vos neurones-miroirs qui vont décharger, et décharger selon le pattern exact de mon mouvement, comme si vous aviez fait ce mouvement vous-même. Cela revient à dire que vous faites l’expérience virtuelle de participer à mon action. »
Et du virtuel au réel, il n’y a qu’un pas. Pour que cette rencontre et cette expérience sensorielle soient possibles, le musicien intervenant doit abandonner ses réflexes de perfection rythmique et de justesse, il doit ouvrir la porte à l’attente, à la digression, il doit partager avec l’enfant la plume qui écrit l’instant.
Un bébé de 5 mois est allongé sur le ventre, sur un tapis au milieu d’autres enfants et d’assistantes maternelles. Il s’agite et commence à pleurer. Ma collègue musicienne s’agenouille tout près de lui avec sa sanza (un piano à pouce, instrument traditionnel d’Afrique de l’Ouest). Elle s’adresse à lui, non seulement à travers les sons de l’instrument mais aussi avec tout son corps qui est recroquevillé vers le bébé, comme en miroir. Celui-ci tourne la tête, se calme, écoute attentivement, intensément. L’accordage se fait rapidement, l’échange se traduit également dans le regard et dans les mains de bébé qui s’agitent, comme pour jouer la sanza, lui aussi. Ce moment durera une minute peut-être, avant de nouveaux signes d’agitation (l’heure du repas approchait), mais il fut d’une richesse incroyable, simple et authentique.
Qui dirige ?
Je finirai avec cette expérience vécue en service de réanimation pédiatrique au chu de Strasbourg Hautepierre, en écho à celle du jeune papa que j’ai contée plus haut. La petite Judith, un mois à peine, est branchée, intubée et reste seule après le départ de l’infirmière. Guitare à la main, je me présente à la porte de sa chambre et n’en mène pas large. Des sons rauques émanent de ce petit corps malmené, l’émotion m’étreint car l’écho de cette situation est fort en moi. Je ne sais quoi jouer, l’infirmière ne m’a pas donné de consigne particulière, comme un éventuel besoin de stimulation ou de calme. Je n’ai que l’intention de créer un moment de plaisir, alors je me lance… Je ne me souviens plus du répertoire chanté ce jour-là, mais je me souviens très nettement de l’accordage entre Judith et moi, de l’improvisation, de cette partition éphémère écrite et jouée à deux voix, ajustée au gré d’un mouvement de ses doigts, d’un rythme de ma guitare, de l’ouverture de sa bouche, d’un chant que je murmure… Je me demande encore qui était le chef d’orchestre.
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Code-barres Cote Support Localisation Section Disponibilité T009429 SPI Revue Tournai Soins infirmiers (T) Disponible Je suis venue, j’ai vu, entendu… / Patricia Denat in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé, n° 99 (Décembre 2021)
[article]
Titre : Je suis venue, j’ai vu, entendu… Type de document : texte imprimé Auteurs : Patricia Denat, Auteur Année de publication : 2021 Article en page(s) : p. 189-191 Langues : Français (fre) Catégories : Alpha
D:Droit fondamental ; E:Enfant ; E:Engagement professionnel ; F:Famille d'accueil ; F:Financement ; P:Protection de l'enfance ; S:Structure d'accueilRésumé : Je suis venue, j’ai vu, entendu…
Je suis venue, pour cette journée exceptionnelle qui nous réunit, nous, professionnels de l’enfance de tous bords, motivés, expérimentés, spécialisés, certains de grand renom, d’autres plus anonymes, mais tous engagés. Nous sommes là pour parler de nos métiers, d’études et de quotidien, de grandes idées et de petites histoires de vie. Dans cet espace les mots se croisent, font écho, prennent toute leur place. Ils s’attardent sur des rencontres nouvelles, restent parfois, au détour d’une page…
Que ferons-nous de ces moments précieux ? Peut-être pas grand-chose dans l’immédiat… Nous nous saisissons au passage de notions nouvelles, d’idées importantes, de vécus auprès des enfants, autour des enfants et pour eux. Les retours sont riches de tout ce que nous avons absorbé avec avidité, riches de promesses pour ces tout-petits que nous regarderons autrement…
Puis nous réintégrons notre quotidien, et la réalité nous rattrape, immanquablement, implacablement ! Et tout cet engagement dans la protection de l’enfance me paraît bien dérisoire… Des services débordés par manque de moyens, alors l’effet domino s’enclenche. Il s’agit là de mécanique pure, et nous entamons la ronde des frustrations qui génère de la colère, des dépressions, des départs en maladie, ou pire, des départs tout courts. Des enfants mal accueillis, voire pas du tout accueillis, par manque de places, de lieux… ça dépend des départements, des engagements de nos élus, ou non…
Qu’ont-ils à faire dans la protection de l’enfance, ces élus ? Quelles sont leurs compétences en la matière ? Comment se fait-il qu’ils puissent voter des budgets pour la prise en charge des enfants selon leurs critères, arbitraires, distanciés, dans une méconnaissance irresponsable de ce que sont ces enfants, des conséquences de cette ignorance sur leur chemin de vie ? Les droits de l’enfant ne sont-ils pas universels ? Quelles sont nos obligations à leur égard, en tant qu’accueillants, institutions, État ? Car ces enfants sont sous la responsabilité de l’État, n’est-ce pas ? Alors, tout comme il nous demande d’assumer notre responsabilité de citoyen, il se doit de répondre de la sienne !
Ce petit bonhomme est accueilli dans le sud de la France, il n’est pas prévu de budget Noël pour lui. Il est sacrément injuste, ce Père Noël, parce que ce gamin-là n’a pas été moins sage que les autres, je vous assure !
Sa prime vêture est inférieure de plus de 100 euros par saison par rapport à d’autres départements. Comme beaucoup d’enfants placés, il a peu d’estime de lui-même, alors il casse, il abîme ses affaires. Le pantalon maintes fois reprisé attire le regard, et il n’y est pas insensible, le petit diable. La nécessité d’être vêtu correctement n’est-elle pas la même pour tous ? Peut-on demander à une famille d’accueil de ne pas pourvoir à ce besoin au minima, parce que l’élu de sa région n’est pas féru de mode ? Sa famille d’accueil, mal formée (voire pas du tout), mal accompagnée, moins rémunérée que d’autres, fera ce qu’elle pourra pour le maintenir « à flot ». Elle a bien repéré des difficultés dans le langage, le comportement, mais pas de soins, par manque de place… Il faudra attendre un an, deux ans peut-être… L’enfant s’agite, il est en échec scolaire, ce qui majore ses difficultés. Il aurait maintenant besoin d’une place dans une structure spécialisée mais, là encore, pas de place… Alors l’assistante familiale doit compenser, elle s’y épuise, impuissante, découragée… Comment alors accompagner cet enfant comme il le faudrait ?
On lui proposera, peut-être, une prime parce que cet accueil est jugé particulièrement difficile ; son salaire augmentera donc de 150 euros par mois. Pas de chance : si elle habitait le département voisin, elle pourrait prétendre à 900 euros par mois… Quelle est la logique d’un tel écart ? Ces quelques euros ne résoudront pas les difficultés du petit garçon, soyez-en sûrs, il demandait juste un autre regard, un accompagnement adapté, à la hauteur de ses souffrances…
Qu’en est-il des indemnités d’entretien qui là encore laisseraient supposer que le prix de l’alimentation, de l’énergie, des carburants diffèrent d’un lieu à l’autre ? Qui juge du droit et des besoins des enfants que nous affirmons « protéger », avec toute la certitude de notre société bien-pensante ? Quelle est donc la définition de la protection ? Nous les accueillons comme nous pouvons, avec les moyens que nous avons. Il faut faire face aux multiples dysfonctionnements, à tous les niveaux, aux prises en charge des enfants souvent bien compliquées dans ce climat de tension, d’incohérence, d’incompréhension…, et notre engagement personnel dépasse souvent le degré du raisonnable pour assurer l’enfant de notre présence, quoi qu’il en coûte.
Il y a tant à dire… à faire…
Je crois que nous avons ici matière à réflexion, nous tous, professionnels de l’enfance. Il s’agit là de conscience personnelle, collective, professionnelle… et il est temps de poser des actes, autant que nous pouvons, à la mesure des engagements possibles, à tous les niveaux.
Alors que faisons-nous de ces moments précieux ? Comment les répercuter, les essaimer autour de nous ? Comment faire poids auprès de nos décideurs, impacter, pour de vrai, sur le terrain ?
Je voudrais des tables rondes, des regards croisés, des actions croisées, un organisme indépendant spécialisé pour la protection de l’enfant qui partirait du principe que ces enfants ont des droits, tous égaux, que la valeur d’un enfant ne se marchande pas au profit de parterres de fleurs qui embelliront nos conseils départementaux, histoire de donner une belle image de notre service public.
Aujourd’hui nous ne parlons pas le même langage, juges pour enfants, juges des familles, assistants sociaux, personnels de la pmi, professionnels de terrain, institutions… Il est temps de nous rencontrer et de travailler ensemble.
C’est cela que j’écrirai dans ma lettre au Père Noël, et je crois qu’il aura fort à faire pour me satisfaire. Mais peut-être qu’il s’attardera hors de Laponie dans les prochaines années pour gâter les enfants et leur permettre de rêver… comme il se doit.Permalink : http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49128
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p. 189-191[article] Je suis venue, j’ai vu, entendu… [texte imprimé] / Patricia Denat, Auteur . - 2021 . - p. 189-191.
Langues : Français (fre)
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p. 189-191
Catégories : Alpha
D:Droit fondamental ; E:Enfant ; E:Engagement professionnel ; F:Famille d'accueil ; F:Financement ; P:Protection de l'enfance ; S:Structure d'accueilRésumé : Je suis venue, j’ai vu, entendu…
Je suis venue, pour cette journée exceptionnelle qui nous réunit, nous, professionnels de l’enfance de tous bords, motivés, expérimentés, spécialisés, certains de grand renom, d’autres plus anonymes, mais tous engagés. Nous sommes là pour parler de nos métiers, d’études et de quotidien, de grandes idées et de petites histoires de vie. Dans cet espace les mots se croisent, font écho, prennent toute leur place. Ils s’attardent sur des rencontres nouvelles, restent parfois, au détour d’une page…
Que ferons-nous de ces moments précieux ? Peut-être pas grand-chose dans l’immédiat… Nous nous saisissons au passage de notions nouvelles, d’idées importantes, de vécus auprès des enfants, autour des enfants et pour eux. Les retours sont riches de tout ce que nous avons absorbé avec avidité, riches de promesses pour ces tout-petits que nous regarderons autrement…
Puis nous réintégrons notre quotidien, et la réalité nous rattrape, immanquablement, implacablement ! Et tout cet engagement dans la protection de l’enfance me paraît bien dérisoire… Des services débordés par manque de moyens, alors l’effet domino s’enclenche. Il s’agit là de mécanique pure, et nous entamons la ronde des frustrations qui génère de la colère, des dépressions, des départs en maladie, ou pire, des départs tout courts. Des enfants mal accueillis, voire pas du tout accueillis, par manque de places, de lieux… ça dépend des départements, des engagements de nos élus, ou non…
Qu’ont-ils à faire dans la protection de l’enfance, ces élus ? Quelles sont leurs compétences en la matière ? Comment se fait-il qu’ils puissent voter des budgets pour la prise en charge des enfants selon leurs critères, arbitraires, distanciés, dans une méconnaissance irresponsable de ce que sont ces enfants, des conséquences de cette ignorance sur leur chemin de vie ? Les droits de l’enfant ne sont-ils pas universels ? Quelles sont nos obligations à leur égard, en tant qu’accueillants, institutions, État ? Car ces enfants sont sous la responsabilité de l’État, n’est-ce pas ? Alors, tout comme il nous demande d’assumer notre responsabilité de citoyen, il se doit de répondre de la sienne !
Ce petit bonhomme est accueilli dans le sud de la France, il n’est pas prévu de budget Noël pour lui. Il est sacrément injuste, ce Père Noël, parce que ce gamin-là n’a pas été moins sage que les autres, je vous assure !
Sa prime vêture est inférieure de plus de 100 euros par saison par rapport à d’autres départements. Comme beaucoup d’enfants placés, il a peu d’estime de lui-même, alors il casse, il abîme ses affaires. Le pantalon maintes fois reprisé attire le regard, et il n’y est pas insensible, le petit diable. La nécessité d’être vêtu correctement n’est-elle pas la même pour tous ? Peut-on demander à une famille d’accueil de ne pas pourvoir à ce besoin au minima, parce que l’élu de sa région n’est pas féru de mode ? Sa famille d’accueil, mal formée (voire pas du tout), mal accompagnée, moins rémunérée que d’autres, fera ce qu’elle pourra pour le maintenir « à flot ». Elle a bien repéré des difficultés dans le langage, le comportement, mais pas de soins, par manque de place… Il faudra attendre un an, deux ans peut-être… L’enfant s’agite, il est en échec scolaire, ce qui majore ses difficultés. Il aurait maintenant besoin d’une place dans une structure spécialisée mais, là encore, pas de place… Alors l’assistante familiale doit compenser, elle s’y épuise, impuissante, découragée… Comment alors accompagner cet enfant comme il le faudrait ?
On lui proposera, peut-être, une prime parce que cet accueil est jugé particulièrement difficile ; son salaire augmentera donc de 150 euros par mois. Pas de chance : si elle habitait le département voisin, elle pourrait prétendre à 900 euros par mois… Quelle est la logique d’un tel écart ? Ces quelques euros ne résoudront pas les difficultés du petit garçon, soyez-en sûrs, il demandait juste un autre regard, un accompagnement adapté, à la hauteur de ses souffrances…
Qu’en est-il des indemnités d’entretien qui là encore laisseraient supposer que le prix de l’alimentation, de l’énergie, des carburants diffèrent d’un lieu à l’autre ? Qui juge du droit et des besoins des enfants que nous affirmons « protéger », avec toute la certitude de notre société bien-pensante ? Quelle est donc la définition de la protection ? Nous les accueillons comme nous pouvons, avec les moyens que nous avons. Il faut faire face aux multiples dysfonctionnements, à tous les niveaux, aux prises en charge des enfants souvent bien compliquées dans ce climat de tension, d’incohérence, d’incompréhension…, et notre engagement personnel dépasse souvent le degré du raisonnable pour assurer l’enfant de notre présence, quoi qu’il en coûte.
Il y a tant à dire… à faire…
Je crois que nous avons ici matière à réflexion, nous tous, professionnels de l’enfance. Il s’agit là de conscience personnelle, collective, professionnelle… et il est temps de poser des actes, autant que nous pouvons, à la mesure des engagements possibles, à tous les niveaux.
Alors que faisons-nous de ces moments précieux ? Comment les répercuter, les essaimer autour de nous ? Comment faire poids auprès de nos décideurs, impacter, pour de vrai, sur le terrain ?
Je voudrais des tables rondes, des regards croisés, des actions croisées, un organisme indépendant spécialisé pour la protection de l’enfant qui partirait du principe que ces enfants ont des droits, tous égaux, que la valeur d’un enfant ne se marchande pas au profit de parterres de fleurs qui embelliront nos conseils départementaux, histoire de donner une belle image de notre service public.
Aujourd’hui nous ne parlons pas le même langage, juges pour enfants, juges des familles, assistants sociaux, personnels de la pmi, professionnels de terrain, institutions… Il est temps de nous rencontrer et de travailler ensemble.
C’est cela que j’écrirai dans ma lettre au Père Noël, et je crois qu’il aura fort à faire pour me satisfaire. Mais peut-être qu’il s’attardera hors de Laponie dans les prochaines années pour gâter les enfants et leur permettre de rêver… comme il se doit.Permalink : http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49128 Exemplaires (1)
Code-barres Cote Support Localisation Section Disponibilité T009429 SPI Revue Tournai Soins infirmiers (T) Disponible L'attention / Bernard Golse in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé, n° 99 (Décembre 2021)
[article]
Titre : L'attention Type de document : texte imprimé Auteurs : Bernard Golse, Auteur ; Didier Houzel, Auteur ; et al., Auteur ; Karine Nombret, Auteur Année de publication : 2021 Article en page(s) : p.15-168 Langues : Français (fre) Catégories : Alpha
A:Attention ; C:Classification ; C:Communication ; C:Consultation ; C:Covid-19 ; C:Créativité ; C:Culture ; D:Développement ; D:Développement psychomoteur ; D:Disponibilité ; E:Échographie ; E:Écran ; E:Empathie ; E:Epistémologie ; F:Foetus ; H:Hyperactivité ; I:Intuition ; M:Mémoire ; M:Motricité ; M:Mouvement ; N:Nouveau-né ; O:Objet transitionnel ; O:Observation ; O:Outil ; P:Pédiatrie ; P:Pédopsychiatrie ; P:Périnatalité ; P:Philosophie ; P:Psychiatrie ; P:Psychopathologie ; R:Réalité ; S:Soins psychiques ; S:Structure d'accueil ; T:Thérapie cognitive ; T:Toxicomanie ; T:Trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivitéRésumé : Sommaire :
- L’attention, encore et toujours
- Attention à la psychopathologie – de l’hyperactivité notamment !
- La réceptivité psychique ou attention inconsciente
- Attente et attention : de saint Augustin au bébé d’aujourd’hui
- Note sur le concept d’attention conjointe
- Observation et attention
- L’attention portée au mouvement in utero : des chorégraphies plurielles
- Intuition, intention, inspiration
- Empathie et attention en périnatalité : de la construction partagée des capacités attentionnelles à la capacité créative individuelle ?
- Prêter attention à la dimension culturelle en période périnatale pour mieux accompagner les parents et leurs bébés
- L’attention du bébé envers son environnement humain et non humain
- Motricité libre et activité autonome aux sources de l’attention du bébé
- Proto-thada et régulation tonico-sensorielle
- L’attention dans tous ses états en psychomotricité
- Les précautions nécessaires dans l’évaluation des capacités attentionnelles de l’enfant : enjeux du bilan neuropsychologique
- L’attention conjointe des pédiatres et des pédopsychiatres : un ajustement en mouvement
- Quelle attention portée aux bébés et aux jeunes enfants face à la crise sanitaire ?
- L’attention à l’école maternelle
- L’attention et les écrans
- Philosophie du premier âge : l’émergence du sujet au miroir de l’attention
- Le langage, les langues et la culture : des objets d’attention conjointe en crèche
- L’attention, une construction relationnelle ?
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in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.15-168[article] L'attention [texte imprimé] / Bernard Golse, Auteur ; Didier Houzel, Auteur ; et al., Auteur ; Karine Nombret, Auteur . - 2021 . - p.15-168.
Langues : Français (fre)
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.15-168
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A:Attention ; C:Classification ; C:Communication ; C:Consultation ; C:Covid-19 ; C:Créativité ; C:Culture ; D:Développement ; D:Développement psychomoteur ; D:Disponibilité ; E:Échographie ; E:Écran ; E:Empathie ; E:Epistémologie ; F:Foetus ; H:Hyperactivité ; I:Intuition ; M:Mémoire ; M:Motricité ; M:Mouvement ; N:Nouveau-né ; O:Objet transitionnel ; O:Observation ; O:Outil ; P:Pédiatrie ; P:Pédopsychiatrie ; P:Périnatalité ; P:Philosophie ; P:Psychiatrie ; P:Psychopathologie ; R:Réalité ; S:Soins psychiques ; S:Structure d'accueil ; T:Thérapie cognitive ; T:Toxicomanie ; T:Trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivitéRésumé : Sommaire :
- L’attention, encore et toujours
- Attention à la psychopathologie – de l’hyperactivité notamment !
- La réceptivité psychique ou attention inconsciente
- Attente et attention : de saint Augustin au bébé d’aujourd’hui
- Note sur le concept d’attention conjointe
- Observation et attention
- L’attention portée au mouvement in utero : des chorégraphies plurielles
- Intuition, intention, inspiration
- Empathie et attention en périnatalité : de la construction partagée des capacités attentionnelles à la capacité créative individuelle ?
- Prêter attention à la dimension culturelle en période périnatale pour mieux accompagner les parents et leurs bébés
- L’attention du bébé envers son environnement humain et non humain
- Motricité libre et activité autonome aux sources de l’attention du bébé
- Proto-thada et régulation tonico-sensorielle
- L’attention dans tous ses états en psychomotricité
- Les précautions nécessaires dans l’évaluation des capacités attentionnelles de l’enfant : enjeux du bilan neuropsychologique
- L’attention conjointe des pédiatres et des pédopsychiatres : un ajustement en mouvement
- Quelle attention portée aux bébés et aux jeunes enfants face à la crise sanitaire ?
- L’attention à l’école maternelle
- L’attention et les écrans
- Philosophie du premier âge : l’émergence du sujet au miroir de l’attention
- Le langage, les langues et la culture : des objets d’attention conjointe en crèche
- L’attention, une construction relationnelle ?
Permalink : http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49129 Exemplaires (1)
Code-barres Cote Support Localisation Section Disponibilité T009429 SPI Revue Tournai Soins infirmiers (T) Disponible La parole ne se prescrit pas ! / Servane Legrand in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé, n° 99 (Décembre 2021)
[article]
Titre : La parole ne se prescrit pas ! Type de document : texte imprimé Auteurs : Servane Legrand, Auteur ; Dominique Ratia-Armengol, Auteur ; Claire Vicente-Brion, Auteur Année de publication : 2021 Article en page(s) : p.169-193 Langues : Français (fre) Catégories : Alpha
C:Consultation ; C:Covid-19 ; D:Dépression ; E:Enfant ; E:Épidémie ; L:Littérature ; P:Parent ; P:Parole ; P:Psychologue ; R:Relation d'aide ; R:Remboursement ; S:Souffrance psychique ; S:Soutien psychologiqueRésumé : À l’heure où nous écrivons, les éditions érès s’apprêtent à republier Des psychologues auprès des tout-petits, pour quoi faire ?, ouvrage datant de 2006, fruit d’un recueil d’articles sous la direction de D. Delouvin.
Cette réédition trouve en cette période toute sa pertinence, au regard de la crise pandémique qui a fait surgir dans la conscience collective la nécessité d’une aide psychologique, voire de demandes quand elles émergent…
Devant cette nouvelle confrontation au réel de la mortalité de tout un chacun, la douce illusion de notre toute-puissance humaine à nous protéger de tous les dangers a été effractée, laissant place à de sourdes inquiétudes, des souffrances et des angoisses indicibles. Les traitements successifs de confinement de la Covid-19 et leurs conséquences ont engendré une hausse des états dépressifs, laquelle a mis le focus sur la souffrance des individus, du plus petit au plus grand, du bébé à l’adulte en passant par l’adolescent, sans oublier les « invisibles », plus que délaissés !
Le ministère de la Santé, sur la sellette de la pandémie et de ses effets désorganisateurs psycho-socio-économiques, ne pouvait pas mieux faire que de prendre en compte cet état des lieux, celui de la réalité quotidienne de ses jeunes citoyens dont la souffrance psychique peut mener entre autres à la dépression, et pour certains, jusqu’au suicide. Dans le contexte actuel, alerté par les services hospitaliers et le corps médical, l’État s’est emparé du problème, mais sans consulter les instances professionnelles ni les sociétés savantes de psychologues, en accélérant ses orientations autour de la prise en charge des consultations par des psychologues libéraux.
État « expert », il a rédigé une loi en faveur du remboursement de consultations psychologiques. Pas étonnant que, à procéder de la sorte, cette décision déclenche une levée de boucliers de la part de l’ensemble du corps des professionnels, psychologues, psychothérapeutes, et psychanalystes !
Est-ce scandaleux que de permettre à tout citoyen d’avoir accès à un traitement psychologique, dans le privé, l’accès étant facilité par un remboursement au moins partiel, et non dans le public, notamment quand l’attente y est en moyenne d’un an ? Non, bien sûr, et si les psychologues s’accordent à soutenir ce remboursement allant dans le sens d’une plus grande égalité devant l’accès aux soins psychiques, ce n’est pas au prix d’une restriction de liberté des patients, qui doivent alors en passer par tout un dispositif, dont leur médecin, pour y avoir droit. En effet, le médecin devra évaluer le bien-fondé de la consultation psychologique avant de la prescrire, le patient devant ensuite « choisir » un psychologue dans une liste préétablie ! Mais sur quels critères, et établie par qui ?
Autrement dit, les décisions thérapeutiques seront ainsi dictées à l’avance par cet arrêté gouvernemental, contrevenant à la pratique à la fois des médecins et des psychologues, ainsi qu’à leurs déontologies respectives.
Exit les connaissances et l’éthique propre au métier, le praticien n’est plus responsable de ses décisions d’orientation dans le soin et le suivi, la référence est la grille unique proposée par les services de l’État.
Adultes déboussolés, les parents, désemparés, se tournent actuellement, quand cela leur est possible financièrement, vers des psychologues en libéral pour leur enfant. Ils sont en confiance, aujourd’hui, et attentifs à son développement psychoaffectif. Et, de nos jours, s’adresser à un psychologue n’est plus (ou moins en tout cas) associé d’emblée à la maladie mentale.
Le psychologue clinicien est à juste titre celui « avec qui… », celui à qui on peut dire ce qui fait mal et qui peut l’entendre, au-delà des symptômes du corps. Mais il ne suffit pas de dire pour que « ça aille mieux » et que la souffrance se taise ! Cette « vertu » de la parole, aujourd’hui amplement relayée, n’est pas magique. La parole et son corollaire, l’écoute, relèvent d’un traitement thérapeutique dont le dispositif est de la responsabilité du clinicien. Cette possibilité de rencontre et d’écoute, si elle peut être suggérée parfois par tout professionnel, ne se prescrit pas comme un médicament.
La parole ne se prescrit pas… Elle s’invite dans l’intimité d’une rencontre à favoriser. Le cadre thérapeutique, comme tout cadre, a ses caractéristiques, il ne s’agit pas là d’un échange de comptoir.
Appel de la mère de A. : « Je voudrais avoir un rendez-vous, ce n’est pas pour moi, c’est pour ma fille, elle a 6 ans et demi, elle me dit qu’elle voudrait mourir ! Je lui ai dit qu’on pourrait en parler avec un psychologue, elle est d’accord. » Appel du père de L., qui dit que ça ne va pas, il n’arrive plus à rien avec son fils, sa femme non plus : « D’ailleurs, vous l’entendez hurler derrière moi… Au fait, il a 3 ans aujourd’hui, je crois qu’on a vraiment besoin d’aide. » Tout est alors à accueillir : l’enfant, ses parents, ce qui est en question et se formule pour chacun d’entre eux, sous des formes diverses (verbale, comportementale, ludique ou productrice de dessins). À partir de ces toutes premières rencontres, le travail se mettra en place, selon l’évolution de la situation et le dispositif proposé par le psychologue. Il concernera et sera proposé à l’enfant uniquement, se centrera sur la relation parent-enfant, ou s’engagera avec les parents.
Au symptôme, le psychologue n’oppose pas de réponse unique, préformatée, mais il est en recherche de sens, avec les patients.
Notre cri aujourd’hui, ce n’est pas celui du bébé, mais celui des psychologues qui s’opposent à ce que soit détruite leur pratique.Permalink : http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49130
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.169-193[article] La parole ne se prescrit pas ! [texte imprimé] / Servane Legrand, Auteur ; Dominique Ratia-Armengol, Auteur ; Claire Vicente-Brion, Auteur . - 2021 . - p.169-193.
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C:Consultation ; C:Covid-19 ; D:Dépression ; E:Enfant ; E:Épidémie ; L:Littérature ; P:Parent ; P:Parole ; P:Psychologue ; R:Relation d'aide ; R:Remboursement ; S:Souffrance psychique ; S:Soutien psychologiqueRésumé : À l’heure où nous écrivons, les éditions érès s’apprêtent à republier Des psychologues auprès des tout-petits, pour quoi faire ?, ouvrage datant de 2006, fruit d’un recueil d’articles sous la direction de D. Delouvin.
Cette réédition trouve en cette période toute sa pertinence, au regard de la crise pandémique qui a fait surgir dans la conscience collective la nécessité d’une aide psychologique, voire de demandes quand elles émergent…
Devant cette nouvelle confrontation au réel de la mortalité de tout un chacun, la douce illusion de notre toute-puissance humaine à nous protéger de tous les dangers a été effractée, laissant place à de sourdes inquiétudes, des souffrances et des angoisses indicibles. Les traitements successifs de confinement de la Covid-19 et leurs conséquences ont engendré une hausse des états dépressifs, laquelle a mis le focus sur la souffrance des individus, du plus petit au plus grand, du bébé à l’adulte en passant par l’adolescent, sans oublier les « invisibles », plus que délaissés !
Le ministère de la Santé, sur la sellette de la pandémie et de ses effets désorganisateurs psycho-socio-économiques, ne pouvait pas mieux faire que de prendre en compte cet état des lieux, celui de la réalité quotidienne de ses jeunes citoyens dont la souffrance psychique peut mener entre autres à la dépression, et pour certains, jusqu’au suicide. Dans le contexte actuel, alerté par les services hospitaliers et le corps médical, l’État s’est emparé du problème, mais sans consulter les instances professionnelles ni les sociétés savantes de psychologues, en accélérant ses orientations autour de la prise en charge des consultations par des psychologues libéraux.
État « expert », il a rédigé une loi en faveur du remboursement de consultations psychologiques. Pas étonnant que, à procéder de la sorte, cette décision déclenche une levée de boucliers de la part de l’ensemble du corps des professionnels, psychologues, psychothérapeutes, et psychanalystes !
Est-ce scandaleux que de permettre à tout citoyen d’avoir accès à un traitement psychologique, dans le privé, l’accès étant facilité par un remboursement au moins partiel, et non dans le public, notamment quand l’attente y est en moyenne d’un an ? Non, bien sûr, et si les psychologues s’accordent à soutenir ce remboursement allant dans le sens d’une plus grande égalité devant l’accès aux soins psychiques, ce n’est pas au prix d’une restriction de liberté des patients, qui doivent alors en passer par tout un dispositif, dont leur médecin, pour y avoir droit. En effet, le médecin devra évaluer le bien-fondé de la consultation psychologique avant de la prescrire, le patient devant ensuite « choisir » un psychologue dans une liste préétablie ! Mais sur quels critères, et établie par qui ?
Autrement dit, les décisions thérapeutiques seront ainsi dictées à l’avance par cet arrêté gouvernemental, contrevenant à la pratique à la fois des médecins et des psychologues, ainsi qu’à leurs déontologies respectives.
Exit les connaissances et l’éthique propre au métier, le praticien n’est plus responsable de ses décisions d’orientation dans le soin et le suivi, la référence est la grille unique proposée par les services de l’État.
Adultes déboussolés, les parents, désemparés, se tournent actuellement, quand cela leur est possible financièrement, vers des psychologues en libéral pour leur enfant. Ils sont en confiance, aujourd’hui, et attentifs à son développement psychoaffectif. Et, de nos jours, s’adresser à un psychologue n’est plus (ou moins en tout cas) associé d’emblée à la maladie mentale.
Le psychologue clinicien est à juste titre celui « avec qui… », celui à qui on peut dire ce qui fait mal et qui peut l’entendre, au-delà des symptômes du corps. Mais il ne suffit pas de dire pour que « ça aille mieux » et que la souffrance se taise ! Cette « vertu » de la parole, aujourd’hui amplement relayée, n’est pas magique. La parole et son corollaire, l’écoute, relèvent d’un traitement thérapeutique dont le dispositif est de la responsabilité du clinicien. Cette possibilité de rencontre et d’écoute, si elle peut être suggérée parfois par tout professionnel, ne se prescrit pas comme un médicament.
La parole ne se prescrit pas… Elle s’invite dans l’intimité d’une rencontre à favoriser. Le cadre thérapeutique, comme tout cadre, a ses caractéristiques, il ne s’agit pas là d’un échange de comptoir.
Appel de la mère de A. : « Je voudrais avoir un rendez-vous, ce n’est pas pour moi, c’est pour ma fille, elle a 6 ans et demi, elle me dit qu’elle voudrait mourir ! Je lui ai dit qu’on pourrait en parler avec un psychologue, elle est d’accord. » Appel du père de L., qui dit que ça ne va pas, il n’arrive plus à rien avec son fils, sa femme non plus : « D’ailleurs, vous l’entendez hurler derrière moi… Au fait, il a 3 ans aujourd’hui, je crois qu’on a vraiment besoin d’aide. » Tout est alors à accueillir : l’enfant, ses parents, ce qui est en question et se formule pour chacun d’entre eux, sous des formes diverses (verbale, comportementale, ludique ou productrice de dessins). À partir de ces toutes premières rencontres, le travail se mettra en place, selon l’évolution de la situation et le dispositif proposé par le psychologue. Il concernera et sera proposé à l’enfant uniquement, se centrera sur la relation parent-enfant, ou s’engagera avec les parents.
Au symptôme, le psychologue n’oppose pas de réponse unique, préformatée, mais il est en recherche de sens, avec les patients.
Notre cri aujourd’hui, ce n’est pas celui du bébé, mais celui des psychologues qui s’opposent à ce que soit détruite leur pratique.Permalink : http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49130 Exemplaires (1)
Code-barres Cote Support Localisation Section Disponibilité T009429 SPI Revue Tournai Soins infirmiers (T) Disponible La soumission absolue des enfants / Laurent Bachler in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé, n° 99 (Décembre 2021)
[article]
Titre : La soumission absolue des enfants Type de document : texte imprimé Auteurs : Laurent Bachler, Auteur Année de publication : 2021 Article en page(s) : p.184-188 Langues : Français (fre) Catégories : Alpha
A:Autorité parentale ; E:Enfant ; L:Littérature ; P:PhilosophieRésumé : « Qu’ils soient élevés par le père, par la mère, ou par qui que ce soit, les enfants sont donc absolument soumis à celui ou celle qui les élève, ou les préserve. Ils peuvent même les aliéner, c’est-à-dire céder leur domination, en les vendant, ou les donnant en adoption ou en servitude ; ils peuvent les donner comme otages, les tuer pour rébellion, ou les sacrifier pour la paix, selon les lois naturelles, lorsqu’en leur âme et conscience ils le jugent nécessaire. »
Thomas Hobbes, Éléments de loi, IIe partie, De Corpore Politico, chapitre XXIII, § 8. trad. Arnaud Milanese, Paris, Allia, 2006, p. 149.
Pourquoi les enfants obéissent-ils aux parents ? L’éducation se ramène souvent à une somme considérable de commandements et de contraintes que les enfants acceptent finalement sans opposer une résistance forte et convaincue à tout cela. Tout se passe comme s’il allait de soi que les enfants obéissent, et dans une certaine mesure se soumettent à l’autorité parentale. On pourra toujours chercher à justifier cette situation, cette soumission de fait des enfants aux adultes, à l’aide d’arguments plus ou moins convenus : « c’est pour leur bien », « ils sont dépendants des adultes », « ils doivent tout aux parents, à commencer par la vie ». Toutes ces raisons ne nous exemptent pas de l’obligation philosophique de questionner ces évidences. Pourquoi les enfants devraient-ils obéir aux parents ? Sur quelles raisons se fonde cette exigence de soumission de l’enfant ? Un point de vue philosophique nous aidera à questionner cette pseudo-évidence. Car aucune soumission, et surtout pas celle des enfants, ne saurait aller de soi ou s’imposer sans examen et sans questionnement.
La pensée de Thomas Hobbes peut nous aider à questionner cette opinion toute faite. Hobbes n’est pas immédiatement un penseur de l’enfance. Ses écrits et sa philosophie portent d’abord sur des questions politiques. Son œuvre principale, Léviathan, propose une théorie politique d’une radicale nouveauté en imaginant que l’autorité politique tient son droit de commander de ceux-là mêmes sur qui elle s’exerce, c’est-à-dire les sujets. Hobbes propose un schéma d’explication du pouvoir politique dans lequel la référence à une quelconque transcendance, Dieu, la religion ou même la morale, n’est plus nécessaire pour justifier une autorité politique. Seul suffit l’accord de ceux sur qui ce pouvoir va s’exercer. La vie politique, ainsi tissée de relations de pouvoir, est le résultat d’un accord passé entre les individus, qui acceptent de se soumettre à un pouvoir extérieur absolu, cette soumission leur garantissant une relative sécurité au sein du groupe social. Dans la soumission à l’autorité politique, les individus gagnent une sécurité de leurs biens et de leur personne. Ce décentrement du fondement de l’autorité politique fera couler beaucoup d’encre, car il semble justifier la soumission absolue à cette autorité. Mais on oublie une nuance importante que Hobbes apporte à sa doctrine politique.
En effet, dès son premier ouvrage politique, en 1640, il reconnaît deux cas de figure dans lesquels l’autorité est fondée à commander sans passer par l’accord de ceux sur qui elle s’exerce, deux exceptions à cette conception contractualiste de l’autorité : l’esclave et l’enfant. L’autorité que le parent exerce sur l’enfant n’a pas besoin de l’accord explicite de ce dernier ; pareillement pour celle que le maître exerce sur l’esclave. L’esclave et l’enfant sont l’un et l’autre dans la même soumission absolue à l’égard d’une autorité extérieure. Mais que veut signifier, exactement, cette soumission absolue à un autre ? Cela veut dire qu’ils sont pris dans une relation à l’autre au sein de laquelle ils n’ont aucun droit. L’enfant n’a absolument aucun droit. Nous attendons de lui qu’il obéisse à ses parents. Cela semble un fait incontestable, sinon fondamental. Et ces parents peuvent faire de lui ce qu’ils veulent : le vendre, le donner, le tuer, le sacrifier. La relation parents-enfants finalement est la forme ultime de l’inégalité, la relation la plus inégalitaire que l’on puisse imaginer, relation au sein de laquelle l’une des parties a tous les droits et l’autre n’en a aucun.
Pour comprendre une telle conception, il convient de répondre à deux questions : tout d’abord, comment justifier une telle inégalité dans la relation sans passer par le consentement, ou l’accord de celui qui se soumet ? De plus, pourquoi faut-il, pour comprendre la nature de la relation entre les parents et les enfants, passer par le schéma assez radical et dur de la relation entre le maître et son esclave ? On peut imaginer que déjà à l’époque de Hobbes, en plein milieu du xviie siècle, la place des esclaves dans la société n’était plus vraiment celle des esclaves romains de l’Antiquité. Certes, de nouvelles formes de servitude et d’esclavagisme se mettent en place à cette époque. Mais la figure de l’esclave à laquelle songe Hobbes semble être celle de l’esclave domestique, propriété d’un maître de maison. Il se met dans le sillage de la pensée d’un Aristote qui justifiait l’esclavage domestique au ive siècle avant J.-C., plutôt que dans le contexte plus contemporain du Code Noir, texte écrit sous Louis XIV pour organiser la traite des esclaves d’Afrique vers le continent américain. Au moment où Hobbes écrit son texte, l’esclavage auquel il pense est une réalité anachronique, alors que la relation parentale qu’il décrit renvoie à une réalité bien concrète et très contemporaine. Peut-être même que ce qu’il écrit en 1640 correspond à ce que nous vivons encore aujourd’hui.
Alors, demandons-nous ce qui peut bien justifier aux yeux de Hobbes cette relation de soumission sans contrat. Justifier une soumission, cela veut dire que même si les enfants avaient la possibilité de désobéir aux parents, ils ne devraient toutefois pas le faire, ils n’auraient aucun droit ni aucune légitimité à le faire, car l’obéissance aux parents n’est pas simplement un fait lié à la position de dépendance des enfants. Elle est aussi, pour Hobbes et pour de nombreux éducateurs, quelque chose de dû aux parents. On peut trouver dans la pensée de Hobbes trois causes susceptibles de justifier l’obéissance que les enfants doivent aux parents, trois raisons qui font que les enfants doivent obéir à leurs parents et que ceux-ci ont un droit de commander à leurs enfants, comme un maître commande à des esclaves.
Tout d’abord, ce droit est une question non pas de procréation mais de préservation. En effet, le droit des parents sur les enfants, notamment les droits de la mère sur l’enfant, ne viennent pas, comme on pourrait le penser, du fait qu’ils sont les géniteurs de l’enfant : la question de la procréation est tout à fait secondaire pour Hobbes. En réalité, les parents qui prennent en charge un enfant font le choix de préserver la vie de l’enfant. Leur pouvoir sur l’enfant est tel qu’ils pourraient l’abandonner et choisir pour lui la mort. Or, ils ne le font pas. Le fait que les parents en prenant soin de l’enfant choisissent la préservation de sa vie fonde leur droit à le commander. L’enfant ne peut pas par lui-même préserver sa vie, il doit donc obéissance à celui qui fait ce choix pour lui, tant qu’il vit, même s’il devient plus fort que ses parents. Sa soumission est éternelle : « Le titre de domination sur un enfant ne vient pas de son engendrement, mais de sa préservation. Dans l’état naturel, la mère, qui a le pouvoir de le sauver, ou de le détruire, a donc un droit sur lui par ce pouvoir […]. Et bien que l’enfant ainsi préservé acquiert avec le temps des forces suffisantes pour se prétendre l’égal de celui ou celle qui l’ont préservé, sa prétention sera cependant estimée déraisonnable, parce que sa force vient d’un don de ceux contre qui il s’élève, mais aussi parce qu’il faut supporter que celui qui nourrit un autre qui en tire sa force a reçu en échange une promesse d’obéissance.
La deuxième cause qui fonde l’autorité parentale et induit l’obéissance des enfants est la gratitude que ceux-ci doivent à leurs parents. Parce qu’ils ont bénéficié de l’attention et des soins de leurs parents et que leurs parents leur ont donné cela sans y être contraints, alors cette attention et ces soins fondent une obligation de gratitude. Le mot de gratitude est aujourd’hui à la mode. C’est pourtant le mot de Hobbes lui-même. C’est même le mot qui nomme pour Hobbes une loi morale fondamentale, ce qu’il appelle une « loi de la nature ». C’est la quatrième loi de la nature, juste après la justice, et juste avant la bienveillance. Il définit ainsi la gratitude dans Léviathan : « De même que la justice dépend d’une convention antérieure, de même la gratitude dépend d’une grâce antérieure, autrement dit d’un don gratuit antérieur ; telle est la quatrième loi de nature. On peut la concevoir sous la forme suivante : celui qui bénéficie d’une simple grâce de la part de quelqu’un s’efforce que ce dernier n’ait pas de motif raisonnable de se repentir de sa bonne volonté. En effet, personne ne donne jamais que dans l’intention d’un bien pour soi-même, parce que le don est volontaire et que l’objet de tous les actes volontaires est pour tout un chacun son propre bien. Si l’on voit qu’on en sera privé, il n’y aura ni prévenance ou confiance, ni par conséquent assistance mutuelle ; pas non plus de réconciliation de l’un avec l’autre, et donc on est voué à rester à l’état de guerre, ce qui est contraire à la première et fondamentale loi de nature, laquelle commande de rechercher la paix. Le manquement à cette loi est appelé ingratitude.
Les enfants doivent donc une gratitude aux parents, même s’ils n’ont plus besoin de leurs parents pour vivre et subvenir à leurs besoins. Cette gratitude est ce qui permet de faire naîtrePermalink : http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49131
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.184-188[article] La soumission absolue des enfants [texte imprimé] / Laurent Bachler, Auteur . - 2021 . - p.184-188.
Langues : Français (fre)
in Spirale : La grande aventure de Monsieur bébé > n° 99 (Décembre 2021) . - p.184-188
Catégories : Alpha
A:Autorité parentale ; E:Enfant ; L:Littérature ; P:PhilosophieRésumé : « Qu’ils soient élevés par le père, par la mère, ou par qui que ce soit, les enfants sont donc absolument soumis à celui ou celle qui les élève, ou les préserve. Ils peuvent même les aliéner, c’est-à-dire céder leur domination, en les vendant, ou les donnant en adoption ou en servitude ; ils peuvent les donner comme otages, les tuer pour rébellion, ou les sacrifier pour la paix, selon les lois naturelles, lorsqu’en leur âme et conscience ils le jugent nécessaire. »
Thomas Hobbes, Éléments de loi, IIe partie, De Corpore Politico, chapitre XXIII, § 8. trad. Arnaud Milanese, Paris, Allia, 2006, p. 149.
Pourquoi les enfants obéissent-ils aux parents ? L’éducation se ramène souvent à une somme considérable de commandements et de contraintes que les enfants acceptent finalement sans opposer une résistance forte et convaincue à tout cela. Tout se passe comme s’il allait de soi que les enfants obéissent, et dans une certaine mesure se soumettent à l’autorité parentale. On pourra toujours chercher à justifier cette situation, cette soumission de fait des enfants aux adultes, à l’aide d’arguments plus ou moins convenus : « c’est pour leur bien », « ils sont dépendants des adultes », « ils doivent tout aux parents, à commencer par la vie ». Toutes ces raisons ne nous exemptent pas de l’obligation philosophique de questionner ces évidences. Pourquoi les enfants devraient-ils obéir aux parents ? Sur quelles raisons se fonde cette exigence de soumission de l’enfant ? Un point de vue philosophique nous aidera à questionner cette pseudo-évidence. Car aucune soumission, et surtout pas celle des enfants, ne saurait aller de soi ou s’imposer sans examen et sans questionnement.
La pensée de Thomas Hobbes peut nous aider à questionner cette opinion toute faite. Hobbes n’est pas immédiatement un penseur de l’enfance. Ses écrits et sa philosophie portent d’abord sur des questions politiques. Son œuvre principale, Léviathan, propose une théorie politique d’une radicale nouveauté en imaginant que l’autorité politique tient son droit de commander de ceux-là mêmes sur qui elle s’exerce, c’est-à-dire les sujets. Hobbes propose un schéma d’explication du pouvoir politique dans lequel la référence à une quelconque transcendance, Dieu, la religion ou même la morale, n’est plus nécessaire pour justifier une autorité politique. Seul suffit l’accord de ceux sur qui ce pouvoir va s’exercer. La vie politique, ainsi tissée de relations de pouvoir, est le résultat d’un accord passé entre les individus, qui acceptent de se soumettre à un pouvoir extérieur absolu, cette soumission leur garantissant une relative sécurité au sein du groupe social. Dans la soumission à l’autorité politique, les individus gagnent une sécurité de leurs biens et de leur personne. Ce décentrement du fondement de l’autorité politique fera couler beaucoup d’encre, car il semble justifier la soumission absolue à cette autorité. Mais on oublie une nuance importante que Hobbes apporte à sa doctrine politique.
En effet, dès son premier ouvrage politique, en 1640, il reconnaît deux cas de figure dans lesquels l’autorité est fondée à commander sans passer par l’accord de ceux sur qui elle s’exerce, deux exceptions à cette conception contractualiste de l’autorité : l’esclave et l’enfant. L’autorité que le parent exerce sur l’enfant n’a pas besoin de l’accord explicite de ce dernier ; pareillement pour celle que le maître exerce sur l’esclave. L’esclave et l’enfant sont l’un et l’autre dans la même soumission absolue à l’égard d’une autorité extérieure. Mais que veut signifier, exactement, cette soumission absolue à un autre ? Cela veut dire qu’ils sont pris dans une relation à l’autre au sein de laquelle ils n’ont aucun droit. L’enfant n’a absolument aucun droit. Nous attendons de lui qu’il obéisse à ses parents. Cela semble un fait incontestable, sinon fondamental. Et ces parents peuvent faire de lui ce qu’ils veulent : le vendre, le donner, le tuer, le sacrifier. La relation parents-enfants finalement est la forme ultime de l’inégalité, la relation la plus inégalitaire que l’on puisse imaginer, relation au sein de laquelle l’une des parties a tous les droits et l’autre n’en a aucun.
Pour comprendre une telle conception, il convient de répondre à deux questions : tout d’abord, comment justifier une telle inégalité dans la relation sans passer par le consentement, ou l’accord de celui qui se soumet ? De plus, pourquoi faut-il, pour comprendre la nature de la relation entre les parents et les enfants, passer par le schéma assez radical et dur de la relation entre le maître et son esclave ? On peut imaginer que déjà à l’époque de Hobbes, en plein milieu du xviie siècle, la place des esclaves dans la société n’était plus vraiment celle des esclaves romains de l’Antiquité. Certes, de nouvelles formes de servitude et d’esclavagisme se mettent en place à cette époque. Mais la figure de l’esclave à laquelle songe Hobbes semble être celle de l’esclave domestique, propriété d’un maître de maison. Il se met dans le sillage de la pensée d’un Aristote qui justifiait l’esclavage domestique au ive siècle avant J.-C., plutôt que dans le contexte plus contemporain du Code Noir, texte écrit sous Louis XIV pour organiser la traite des esclaves d’Afrique vers le continent américain. Au moment où Hobbes écrit son texte, l’esclavage auquel il pense est une réalité anachronique, alors que la relation parentale qu’il décrit renvoie à une réalité bien concrète et très contemporaine. Peut-être même que ce qu’il écrit en 1640 correspond à ce que nous vivons encore aujourd’hui.
Alors, demandons-nous ce qui peut bien justifier aux yeux de Hobbes cette relation de soumission sans contrat. Justifier une soumission, cela veut dire que même si les enfants avaient la possibilité de désobéir aux parents, ils ne devraient toutefois pas le faire, ils n’auraient aucun droit ni aucune légitimité à le faire, car l’obéissance aux parents n’est pas simplement un fait lié à la position de dépendance des enfants. Elle est aussi, pour Hobbes et pour de nombreux éducateurs, quelque chose de dû aux parents. On peut trouver dans la pensée de Hobbes trois causes susceptibles de justifier l’obéissance que les enfants doivent aux parents, trois raisons qui font que les enfants doivent obéir à leurs parents et que ceux-ci ont un droit de commander à leurs enfants, comme un maître commande à des esclaves.
Tout d’abord, ce droit est une question non pas de procréation mais de préservation. En effet, le droit des parents sur les enfants, notamment les droits de la mère sur l’enfant, ne viennent pas, comme on pourrait le penser, du fait qu’ils sont les géniteurs de l’enfant : la question de la procréation est tout à fait secondaire pour Hobbes. En réalité, les parents qui prennent en charge un enfant font le choix de préserver la vie de l’enfant. Leur pouvoir sur l’enfant est tel qu’ils pourraient l’abandonner et choisir pour lui la mort. Or, ils ne le font pas. Le fait que les parents en prenant soin de l’enfant choisissent la préservation de sa vie fonde leur droit à le commander. L’enfant ne peut pas par lui-même préserver sa vie, il doit donc obéissance à celui qui fait ce choix pour lui, tant qu’il vit, même s’il devient plus fort que ses parents. Sa soumission est éternelle : « Le titre de domination sur un enfant ne vient pas de son engendrement, mais de sa préservation. Dans l’état naturel, la mère, qui a le pouvoir de le sauver, ou de le détruire, a donc un droit sur lui par ce pouvoir […]. Et bien que l’enfant ainsi préservé acquiert avec le temps des forces suffisantes pour se prétendre l’égal de celui ou celle qui l’ont préservé, sa prétention sera cependant estimée déraisonnable, parce que sa force vient d’un don de ceux contre qui il s’élève, mais aussi parce qu’il faut supporter que celui qui nourrit un autre qui en tire sa force a reçu en échange une promesse d’obéissance.
La deuxième cause qui fonde l’autorité parentale et induit l’obéissance des enfants est la gratitude que ceux-ci doivent à leurs parents. Parce qu’ils ont bénéficié de l’attention et des soins de leurs parents et que leurs parents leur ont donné cela sans y être contraints, alors cette attention et ces soins fondent une obligation de gratitude. Le mot de gratitude est aujourd’hui à la mode. C’est pourtant le mot de Hobbes lui-même. C’est même le mot qui nomme pour Hobbes une loi morale fondamentale, ce qu’il appelle une « loi de la nature ». C’est la quatrième loi de la nature, juste après la justice, et juste avant la bienveillance. Il définit ainsi la gratitude dans Léviathan : « De même que la justice dépend d’une convention antérieure, de même la gratitude dépend d’une grâce antérieure, autrement dit d’un don gratuit antérieur ; telle est la quatrième loi de nature. On peut la concevoir sous la forme suivante : celui qui bénéficie d’une simple grâce de la part de quelqu’un s’efforce que ce dernier n’ait pas de motif raisonnable de se repentir de sa bonne volonté. En effet, personne ne donne jamais que dans l’intention d’un bien pour soi-même, parce que le don est volontaire et que l’objet de tous les actes volontaires est pour tout un chacun son propre bien. Si l’on voit qu’on en sera privé, il n’y aura ni prévenance ou confiance, ni par conséquent assistance mutuelle ; pas non plus de réconciliation de l’un avec l’autre, et donc on est voué à rester à l’état de guerre, ce qui est contraire à la première et fondamentale loi de nature, laquelle commande de rechercher la paix. Le manquement à cette loi est appelé ingratitude.
Les enfants doivent donc une gratitude aux parents, même s’ils n’ont plus besoin de leurs parents pour vivre et subvenir à leurs besoins. Cette gratitude est ce qui permet de faire naîtrePermalink : http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=49131 Exemplaires (1)
Code-barres Cote Support Localisation Section Disponibilité T009429 SPI Revue Tournai Soins infirmiers (T) Disponible