[article]
Titre : |
Le système d'emprise, un "sac de noeuds" |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
Pascale Jamouille |
Année de publication : |
2025 |
Article en page(s) : |
p. 36-42 |
Note générale : |
Cet article fait partie du dossier " La relation d'emprise ". |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
Alpha A:Anthropologie ; D:Dépersonnalisation ; D:Déshumanisation ; E:Emprise ; E:Enquête ; F:Famille ; S:Société ; T:Travail (emploi)
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Résumé : |
Décoder la relation d’emprise dans des contextes très différents (famille, travail, secte…) permet de mettre en évidence sa dimension systémique. Dès lors, l’emprise devient un véritable fait social, un objet clé d’interrogation. Paroles d’anciennes victimes.
Pendant sept ans, j’ai réalisé une enquête ethnographique auprès de personnes qui avaient subi un système d’emprise, que ce soit dans le couple, la famille, le soin, le travail ou les trafics (économie souterraine…), et j’ai élaboré avec elles des récits de vie approfondis (voir encadré Méthodologie). Ces hommes et ces femmes voient l’emprise comme "un sac de nœuds», un filet, un système totalitaire qui peut se refermer sur les personnes ou les groupes. Leurs expériences permettent de repérer les nœuds qui ont permis l’emprise, comme autant d’étapes successives pour y parvenir, ses modes opératoires, ses effets mais aussi les dynamiques d’émancipation pour s’en libérer.
Tous tentent de nommer ce qui leur est arrivé "Je n’existais plus", "j’étais comme un zombie", "j’avais un trou dans la tête, plus rien ne s’imprimait", "il est entré dans mon cerveau"… Ils utilisent peu la notion d’emprise qui reste imprécise, car elle n’indique pas les rôles de chacun et les degrés de l’aliénation.
L’argot des quartiers nord de Marseille, un de mes lieux d’investigation, est plus explicite. Il y a ceux qui "emboucanent" (qui enfument, manipulent, dégradent et détruisent les subjectivités de l’autre…) et ceux qui "se font emboucaner" (ils sont mis sous pression, embobinés, ils se font "grignoter le cerveau"). Certains sont "emboucanés jusqu’à l’os" (ils se sont fait "retourner le cerveau", ils sont devenus dépendants du système qui les utilise et les détruit et en deviennent parfois des acteurs). On peut se faire "emboucaner" successivement par un proche, un réseau de trafic (de drogue, de prostitution…) ou une organisation du travail violente, un dogme radical ou un gourou malveillant. "Cesser de se faire emboucaner" renvoie à de nouvelles ressources, des savoirs d’expériences, des apprentissages, des modes d’analyse des rapports de pouvoir lucides et protecteurs [...] |
Permalink : |
http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=57201 |
in Santé Mentale > 296 (Avril 2025) . - p. 36-42
[article] Le système d'emprise, un "sac de noeuds" [texte imprimé] / Pascale Jamouille . - 2025 . - p. 36-42. Cet article fait partie du dossier " La relation d'emprise ". Langues : Français ( fre) in Santé Mentale > 296 (Avril 2025) . - p. 36-42
Catégories : |
Alpha A:Anthropologie ; D:Dépersonnalisation ; D:Déshumanisation ; E:Emprise ; E:Enquête ; F:Famille ; S:Société ; T:Travail (emploi)
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Résumé : |
Décoder la relation d’emprise dans des contextes très différents (famille, travail, secte…) permet de mettre en évidence sa dimension systémique. Dès lors, l’emprise devient un véritable fait social, un objet clé d’interrogation. Paroles d’anciennes victimes.
Pendant sept ans, j’ai réalisé une enquête ethnographique auprès de personnes qui avaient subi un système d’emprise, que ce soit dans le couple, la famille, le soin, le travail ou les trafics (économie souterraine…), et j’ai élaboré avec elles des récits de vie approfondis (voir encadré Méthodologie). Ces hommes et ces femmes voient l’emprise comme "un sac de nœuds», un filet, un système totalitaire qui peut se refermer sur les personnes ou les groupes. Leurs expériences permettent de repérer les nœuds qui ont permis l’emprise, comme autant d’étapes successives pour y parvenir, ses modes opératoires, ses effets mais aussi les dynamiques d’émancipation pour s’en libérer.
Tous tentent de nommer ce qui leur est arrivé "Je n’existais plus", "j’étais comme un zombie", "j’avais un trou dans la tête, plus rien ne s’imprimait", "il est entré dans mon cerveau"… Ils utilisent peu la notion d’emprise qui reste imprécise, car elle n’indique pas les rôles de chacun et les degrés de l’aliénation.
L’argot des quartiers nord de Marseille, un de mes lieux d’investigation, est plus explicite. Il y a ceux qui "emboucanent" (qui enfument, manipulent, dégradent et détruisent les subjectivités de l’autre…) et ceux qui "se font emboucaner" (ils sont mis sous pression, embobinés, ils se font "grignoter le cerveau"). Certains sont "emboucanés jusqu’à l’os" (ils se sont fait "retourner le cerveau", ils sont devenus dépendants du système qui les utilise et les détruit et en deviennent parfois des acteurs). On peut se faire "emboucaner" successivement par un proche, un réseau de trafic (de drogue, de prostitution…) ou une organisation du travail violente, un dogme radical ou un gourou malveillant. "Cesser de se faire emboucaner" renvoie à de nouvelles ressources, des savoirs d’expériences, des apprentissages, des modes d’analyse des rapports de pouvoir lucides et protecteurs [...] |
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http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=57201 |
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