[article]
Titre : |
La mort d'un enfant : un réel absolu, irréversible et sans appel? |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
H. Nove Josserand, Auteur ; A. Godet, Auteur |
Année de publication : |
2015 |
Article en page(s) : |
190-196 |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
Alpha C:Cancer ; D:Deuil ; G:Groupe de parole ; M:Mort ; P:Parent ; P:Psycho-oncologie ; S:Suivi ; T:Témoignage
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Résumé : |
Nous animons chaque année depuis dix ans un groupe d’échange et de parole destiné aux parents qui ont perdu un enfant d’un cancer. À l’origine, l’idée de ce groupe est née à la fois d’une demande implicite et explicite des parents et du constat des professionnels que le soutien apporté aux familles au moment du décès et après celui-ci est toujours insuffisant. Nous sollicitons tous les parents dont l’enfant suivi à l’Institut d’hématologie et d’oncologie pédiatrique de Lyon est décédé dans l’année. La proposition est de se réunir une fois par mois pendant une dizaine de séances regroupant les mêmes participants pour un échange libre sans thèmes définis à l’avance. Au fil de ces différents groupes, nous retrouvons des thèmes invariablement abordés par les parents : déjà, le besoin d’exprimer sans nuance l’immense douleur générée par le décès de leur enfant, d’avoir un espace possible pour dire et redire la perte et être écoutés. Nous repérons également que les parents endeuillés vivent un très fort sentiment d’isolement. Cette épreuve induit des changements souvent radicaux de leurs valeurs et de leurs repères identitaires. Ces bouleversements ont pour conséquence de modifier leur lien aux autres, de le rendre plus fragile et souvent insatisfaisant. Les autres ne sont plus des semblables, mais deviennent des étrangers, car celui qui n’a pas vécu cette expérience douloureuse est bien souvent perçu comme fuyant, insensible ou maladroit, en tout cas, jamais en phase avec ce parent endeuillé, amputé d’une partie de lui-même. Celui-ci cherche désespérément à faire valoir cette nouvelle identité, qui cependant reste innommable dans notre langage courant. Il n’y a, en effet, pas de mot pour désigner celui qui est en deuil d’un enfant, comme si cet événement était à ce point irreprésentable qu’il ne pouvait s’inscrire dans le langage. Cette nouvelle identité est donc sans nom, et les parents tiennent à ce qu’elle reste innommable. Le parent endeuillé est comme écartelé entre la revendication de cette nouvelle identité qui le place hors du temps, presque hors de la communauté humaine et le souhait de rester parmi les vivants, d’apaiser la souffrance liée à la rupture et au sentiment d’isolement. Le groupe permet l’énoncé de ces souffrances, d’en souligner les similitudes et les différences dans le vécu de chacun. Il peut ainsi restaurer des capacités d’identification chez les participants et, de ce fait, réduire le sentiment d’isolement. Le groupe est en général fortement investi par les parents. L’attention à l’autre, à son éprouvé parfois différent, leur permet d’entrevoir un peu de nuance et de répit, voire de l’apaisement. Au fil des séances se dessine un passage possible d’un état de survie à l’éventualité d’un vivre avec. Le groupe peut contribuer à la construction pour chacun d’un équilibre subtil entre le désir de rejoindre l’enfant disparu et celui de rester avec les vivants, équilibre sans cesse à réajuster pour rester en lien avec les autres. |
Permalink : |
http://cdocs.helha.be/pmbtournai/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=29455 |
in Psycho-Oncologie > Vol. 9, 3 (Septembre 2015) . - 190-196
[article] La mort d'un enfant : un réel absolu, irréversible et sans appel? [texte imprimé] / H. Nove Josserand, Auteur ; A. Godet, Auteur . - 2015 . - 190-196. Langues : Français ( fre) in Psycho-Oncologie > Vol. 9, 3 (Septembre 2015) . - 190-196
Catégories : |
Alpha C:Cancer ; D:Deuil ; G:Groupe de parole ; M:Mort ; P:Parent ; P:Psycho-oncologie ; S:Suivi ; T:Témoignage
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Résumé : |
Nous animons chaque année depuis dix ans un groupe d’échange et de parole destiné aux parents qui ont perdu un enfant d’un cancer. À l’origine, l’idée de ce groupe est née à la fois d’une demande implicite et explicite des parents et du constat des professionnels que le soutien apporté aux familles au moment du décès et après celui-ci est toujours insuffisant. Nous sollicitons tous les parents dont l’enfant suivi à l’Institut d’hématologie et d’oncologie pédiatrique de Lyon est décédé dans l’année. La proposition est de se réunir une fois par mois pendant une dizaine de séances regroupant les mêmes participants pour un échange libre sans thèmes définis à l’avance. Au fil de ces différents groupes, nous retrouvons des thèmes invariablement abordés par les parents : déjà, le besoin d’exprimer sans nuance l’immense douleur générée par le décès de leur enfant, d’avoir un espace possible pour dire et redire la perte et être écoutés. Nous repérons également que les parents endeuillés vivent un très fort sentiment d’isolement. Cette épreuve induit des changements souvent radicaux de leurs valeurs et de leurs repères identitaires. Ces bouleversements ont pour conséquence de modifier leur lien aux autres, de le rendre plus fragile et souvent insatisfaisant. Les autres ne sont plus des semblables, mais deviennent des étrangers, car celui qui n’a pas vécu cette expérience douloureuse est bien souvent perçu comme fuyant, insensible ou maladroit, en tout cas, jamais en phase avec ce parent endeuillé, amputé d’une partie de lui-même. Celui-ci cherche désespérément à faire valoir cette nouvelle identité, qui cependant reste innommable dans notre langage courant. Il n’y a, en effet, pas de mot pour désigner celui qui est en deuil d’un enfant, comme si cet événement était à ce point irreprésentable qu’il ne pouvait s’inscrire dans le langage. Cette nouvelle identité est donc sans nom, et les parents tiennent à ce qu’elle reste innommable. Le parent endeuillé est comme écartelé entre la revendication de cette nouvelle identité qui le place hors du temps, presque hors de la communauté humaine et le souhait de rester parmi les vivants, d’apaiser la souffrance liée à la rupture et au sentiment d’isolement. Le groupe permet l’énoncé de ces souffrances, d’en souligner les similitudes et les différences dans le vécu de chacun. Il peut ainsi restaurer des capacités d’identification chez les participants et, de ce fait, réduire le sentiment d’isolement. Le groupe est en général fortement investi par les parents. L’attention à l’autre, à son éprouvé parfois différent, leur permet d’entrevoir un peu de nuance et de répit, voire de l’apaisement. Au fil des séances se dessine un passage possible d’un état de survie à l’éventualité d’un vivre avec. Le groupe peut contribuer à la construction pour chacun d’un équilibre subtil entre le désir de rejoindre l’enfant disparu et celui de rester avec les vivants, équilibre sans cesse à réajuster pour rester en lien avec les autres. |
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