[article]
Titre : |
Analyse de l'adaptabilité du contrôle de l'équilibre lors de tâches locomotrices : apport de la recherche à la rééducation |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
Sébastien Ditcharles, Auteur ; Tarek Hussein, Auteur ; Romain Artico, Auteur ; Eric Yiou, Auteur |
Année de publication : |
2020 |
Article en page(s) : |
p. 15-25 |
Langues : |
Français (fre) |
Mots-clés : |
Posture controle postural Mouvement |
Résumé : |
Le contrôle de la posture et de l’équilibre est une exigence capitale qui sous-tend l’exécution de toute tâche motrice. La posture peut se définir comme la position dans l’espace des segments corporels à un instant donné [1]. À chaque posture correspond un état d’équilibre au sens mécanique du terme. L’équilibre et, par extension, l’équilibre postural, correspond à une situation où les forces externes à l’individu et les moments de ces forces se compensent. Posture et équilibre constituent deux aspects intimement liés d’un même phénomène mais ne procèdent pas nécessairement des mêmes mécanismes de contrôle [2].Quoi qu’il en soit, il est admis que le contrôle de la posture et de l’équilibre (ou « contrôle postural ») mobilise une part étendue du système musculo-squelettique [3] et nécessite l’intégration d’informations en provenance de nombreux systèmes sensoriels : système vestibulaire, visuel, proprioceptif et cutanée [4]. Toute altération de l’une des voies nerveuses ou structures impliquée dans ce contrôle, e.g.1 avec l’âge ou la pathologie, peut potentiellement être à l’origine de déséquilibre, voire de chutes avec ses conséquences morbides bien connues [5].Les sources de perturbations de la posture et de l’équilibre sont nombreuses. Premièrement, il y a la gravité, cette force « collante » qui tend à nous plaquer continuellement au sol.Deuxièmement, il y a les perturbations (plus faibles) induites par un ensemble de phénomènes végétatifs, tels que la respiration, les pulsations cardiaques, le péristaltisme, le battement spontané des unités motrices, etc. [6]. L’ensemble de ces perturbations est responsable des oscillations du corps observées lors du maintien postural.Enfin, la production d’un mouvement, qu’il s’agisse d’un mouvement volontaire, automatique ou réflexe, constitue une source majeure de perturbation posturale. En effet, le corps humain étant constitué d’une juxtaposition de segments articulés, l’accélération d’un segment corporel génère, en vertu de la loi de l’action et de la réaction, des forces réactives qui sont transmises quasi instantanément le long de la « chaîne posturale » par le biais des os et des tissus mous jusqu’aux surfaces d’appui. De là, naissent des forces extérieures au corps (les forces de réaction du sol) qui sont perturbatrices de l’équilibre.Par ailleurs, le déplacement d’un segment corporel va entraîner le déplacement du centre de gravité global ou encore une modification de taille de la surface de sustentation : c’est typiquement le cas lors de la réalisation de tâches locomotrices où l’on passe d’un appui bipodal à un appui unipodal et, de façon plus générale, lorsque l’on est amené à décoller un pied du sol. Si le centre de gravité se trouve alors déplacé en dehors de la surface de sustentation, les conditions d’équilibre ne sont alors plus respectées.Malgré toutes ces sources de perturbation, nous parvenons à nous mouvoir efficacement et sans chuter... en tout cas la plupart du temps et pour la plupart d’entre nous. Si cela est possible, c’est parce que notre système nerveux central (SNC) développe de façon automatique et inconsciente des phénomènes dynamiques posturaux qui s’opposent à ces différentes sources de perturbations [7, 8]. Ces phénomènes dynamiques « contre-perturbateurs » correspondent aux « ajustements posturaux », dont l’efficacité dépend de l’état du système sensorimoteur, mais aussi de facteurs cognitifs et psychologiques, la peur de chuter par exemple.Ainsi, tout acte moteur intentionnel est soumis à deux exigences contradictoires. L'une consiste à déplacer un ou plusieurs segments corporels (les segments dits « focaux ») vers un objectif, l'autre à stabiliser les autres segments corporels (dits segments « posturaux ») afin de maintenir la posture et l'équilibre. L'une des tâches principales du SNC est de coordonner les composantes posturale et focale de l’acte moteur [9].Une fois cette « ligne de défense » contre les effets perturbateurs identifiés, en la matière des ajustements posturaux, la question se pose de l’adaptabilité de ces derniers aux différentes contraintes pouvant être appliquées au système postural (ou contrainte posturale). Comme on peut aisément le constater lors de nos activités ou situations quotidiennes, ces contraintes sont multiples. Il peut s’agir de contraintes externes ; c’est le cas par exemple lorsque nous devons enjamber un obstacle, ou lorsque nous devons marcher avec une charge au niveau des membres inférieurs modifiant ainsi leur inertie (e.g. lors du port d’un plâtre), ou encore lorsque nous exécutons une tâche en situation de pression temporelle forte.Il peut également s’agir de contraintes internes ; c’est le cas par exemple lorsque nous marchons en situation de fatigue ou de douleur localisée au niveau de la musculature posturale. L’adaptabilité des ajustements posturaux face à ces différents types de contraintes est nécessaire à la réalisation efficiente de la tâche et peut varier en fonction de l’âge des participants et de la pathologie.L’objectif général de cet article est d’illustrer l’apport d’un domaine scientifique, celui du contrôle moteur, au domaine clinique de la rééducation de l’équilibre et de la marche. La compréhension de l’organisation biomécanique des phénomènes posturaux associés aux mouvements locomoteurs et de leur adaptabilité aux contraintes posturales quotidiennes est, en effet, essentielle pour le rééducateur, dans la mesure où cela va lui permettre :– d’améliorer l’examen clinique de l’équilibre des patients présentant des déficits posturaux et locomoteurs ;
– de proposer une stratégie ou plan de rééducation en adéquation avec les déficits constatés ;
– d’objectiver les progrès des patients.Cet article est composé de 4 grandes parties. Dans la première, la méthodologie commune à l’ensemble des travaux présentés dans cet article est décrite.Dans la deuxième partie, la base théorique commune à ces travaux, à savoir la théorie de la « capacité posturo-cinétique » (CPC), est présentée.Dans une troisième partie, une synthèse de nos travaux de recherche portant sur l’adaptabilité du contrôle postural à différents types de contraintes est proposée. La question de l’amélioration de ce contrôle postural par le biais de la manipulation vertébrale est également abordée.Enfin, dans une dernière partie, l’ensemble de ces travaux de recherche est discuté en termes d’apport au domaine de la rééducation de l’équilibre et de la marche.Les travaux présentés dans cet article ont été réalisés par une équipe de kinésithérapeutes (RA, SD et TH) dans le cadre de leur travail doctoral mené au sein du laboratoire « Complexité, Innovations et Activités Motrices et Sportives » (CIAMS, EA 4532) de la Faculté des Sciences du sport de l’Université Paris-Saclay. Une partie de ces travaux a été présentée lors de la 51e Journée de l'INK : « Équilibre, posture et locomotion ».
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Permalink : |
./index.php?lvl=notice_display&id=86103 |
in Kinésithérapie scientifique > 619 (Avril 2020) . - p. 15-25
[article] Analyse de l'adaptabilité du contrôle de l'équilibre lors de tâches locomotrices : apport de la recherche à la rééducation [texte imprimé] / Sébastien Ditcharles, Auteur ; Tarek Hussein, Auteur ; Romain Artico, Auteur ; Eric Yiou, Auteur . - 2020 . - p. 15-25. Langues : Français ( fre) in Kinésithérapie scientifique > 619 (Avril 2020) . - p. 15-25
Mots-clés : |
Posture controle postural Mouvement |
Résumé : |
Le contrôle de la posture et de l’équilibre est une exigence capitale qui sous-tend l’exécution de toute tâche motrice. La posture peut se définir comme la position dans l’espace des segments corporels à un instant donné [1]. À chaque posture correspond un état d’équilibre au sens mécanique du terme. L’équilibre et, par extension, l’équilibre postural, correspond à une situation où les forces externes à l’individu et les moments de ces forces se compensent. Posture et équilibre constituent deux aspects intimement liés d’un même phénomène mais ne procèdent pas nécessairement des mêmes mécanismes de contrôle [2].Quoi qu’il en soit, il est admis que le contrôle de la posture et de l’équilibre (ou « contrôle postural ») mobilise une part étendue du système musculo-squelettique [3] et nécessite l’intégration d’informations en provenance de nombreux systèmes sensoriels : système vestibulaire, visuel, proprioceptif et cutanée [4]. Toute altération de l’une des voies nerveuses ou structures impliquée dans ce contrôle, e.g.1 avec l’âge ou la pathologie, peut potentiellement être à l’origine de déséquilibre, voire de chutes avec ses conséquences morbides bien connues [5].Les sources de perturbations de la posture et de l’équilibre sont nombreuses. Premièrement, il y a la gravité, cette force « collante » qui tend à nous plaquer continuellement au sol.Deuxièmement, il y a les perturbations (plus faibles) induites par un ensemble de phénomènes végétatifs, tels que la respiration, les pulsations cardiaques, le péristaltisme, le battement spontané des unités motrices, etc. [6]. L’ensemble de ces perturbations est responsable des oscillations du corps observées lors du maintien postural.Enfin, la production d’un mouvement, qu’il s’agisse d’un mouvement volontaire, automatique ou réflexe, constitue une source majeure de perturbation posturale. En effet, le corps humain étant constitué d’une juxtaposition de segments articulés, l’accélération d’un segment corporel génère, en vertu de la loi de l’action et de la réaction, des forces réactives qui sont transmises quasi instantanément le long de la « chaîne posturale » par le biais des os et des tissus mous jusqu’aux surfaces d’appui. De là, naissent des forces extérieures au corps (les forces de réaction du sol) qui sont perturbatrices de l’équilibre.Par ailleurs, le déplacement d’un segment corporel va entraîner le déplacement du centre de gravité global ou encore une modification de taille de la surface de sustentation : c’est typiquement le cas lors de la réalisation de tâches locomotrices où l’on passe d’un appui bipodal à un appui unipodal et, de façon plus générale, lorsque l’on est amené à décoller un pied du sol. Si le centre de gravité se trouve alors déplacé en dehors de la surface de sustentation, les conditions d’équilibre ne sont alors plus respectées.Malgré toutes ces sources de perturbation, nous parvenons à nous mouvoir efficacement et sans chuter... en tout cas la plupart du temps et pour la plupart d’entre nous. Si cela est possible, c’est parce que notre système nerveux central (SNC) développe de façon automatique et inconsciente des phénomènes dynamiques posturaux qui s’opposent à ces différentes sources de perturbations [7, 8]. Ces phénomènes dynamiques « contre-perturbateurs » correspondent aux « ajustements posturaux », dont l’efficacité dépend de l’état du système sensorimoteur, mais aussi de facteurs cognitifs et psychologiques, la peur de chuter par exemple.Ainsi, tout acte moteur intentionnel est soumis à deux exigences contradictoires. L'une consiste à déplacer un ou plusieurs segments corporels (les segments dits « focaux ») vers un objectif, l'autre à stabiliser les autres segments corporels (dits segments « posturaux ») afin de maintenir la posture et l'équilibre. L'une des tâches principales du SNC est de coordonner les composantes posturale et focale de l’acte moteur [9].Une fois cette « ligne de défense » contre les effets perturbateurs identifiés, en la matière des ajustements posturaux, la question se pose de l’adaptabilité de ces derniers aux différentes contraintes pouvant être appliquées au système postural (ou contrainte posturale). Comme on peut aisément le constater lors de nos activités ou situations quotidiennes, ces contraintes sont multiples. Il peut s’agir de contraintes externes ; c’est le cas par exemple lorsque nous devons enjamber un obstacle, ou lorsque nous devons marcher avec une charge au niveau des membres inférieurs modifiant ainsi leur inertie (e.g. lors du port d’un plâtre), ou encore lorsque nous exécutons une tâche en situation de pression temporelle forte.Il peut également s’agir de contraintes internes ; c’est le cas par exemple lorsque nous marchons en situation de fatigue ou de douleur localisée au niveau de la musculature posturale. L’adaptabilité des ajustements posturaux face à ces différents types de contraintes est nécessaire à la réalisation efficiente de la tâche et peut varier en fonction de l’âge des participants et de la pathologie.L’objectif général de cet article est d’illustrer l’apport d’un domaine scientifique, celui du contrôle moteur, au domaine clinique de la rééducation de l’équilibre et de la marche. La compréhension de l’organisation biomécanique des phénomènes posturaux associés aux mouvements locomoteurs et de leur adaptabilité aux contraintes posturales quotidiennes est, en effet, essentielle pour le rééducateur, dans la mesure où cela va lui permettre :– d’améliorer l’examen clinique de l’équilibre des patients présentant des déficits posturaux et locomoteurs ;
– de proposer une stratégie ou plan de rééducation en adéquation avec les déficits constatés ;
– d’objectiver les progrès des patients.Cet article est composé de 4 grandes parties. Dans la première, la méthodologie commune à l’ensemble des travaux présentés dans cet article est décrite.Dans la deuxième partie, la base théorique commune à ces travaux, à savoir la théorie de la « capacité posturo-cinétique » (CPC), est présentée.Dans une troisième partie, une synthèse de nos travaux de recherche portant sur l’adaptabilité du contrôle postural à différents types de contraintes est proposée. La question de l’amélioration de ce contrôle postural par le biais de la manipulation vertébrale est également abordée.Enfin, dans une dernière partie, l’ensemble de ces travaux de recherche est discuté en termes d’apport au domaine de la rééducation de l’équilibre et de la marche.Les travaux présentés dans cet article ont été réalisés par une équipe de kinésithérapeutes (RA, SD et TH) dans le cadre de leur travail doctoral mené au sein du laboratoire « Complexité, Innovations et Activités Motrices et Sportives » (CIAMS, EA 4532) de la Faculté des Sciences du sport de l’Université Paris-Saclay. Une partie de ces travaux a été présentée lors de la 51e Journée de l'INK : « Équilibre, posture et locomotion ».
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