[article]
Titre : |
Le médecin (homme) et l’infirmière (femme) ? |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
Marc-André Raetzo |
Année de publication : |
2019 |
Article en page(s) : |
p. 1732 |
Langues : |
Français (fre) |
Résumé : |
Les infirmières de pratique avancée (IPA) existent depuis les années 60 en Amérique du Nord. En France, les premières formations ont commencé en 2018, et dès 2000 à Bâle. La différence avec les infirmières spécialisées, c’est la possibilité de leur confier des tâches habituellement réservées aux médecins.1 Sans grande surprise, la chose est plus ou moins bien accueillie par le corps médical.
Traditionnellement, le médecin est un homme (qui commande) et l’infirmière une femme (qui obéit). Les choses changent… On l’a vu avec la grande manifestation des femmes en juin dernier, mais aussi sur les bancs de la faculté de médecine, avec déjà aujourd’hui une majorité de femmes.
Les médecins ont l’obligation de décider en prenant des risques
Mais alors quelle est la différence entre les IPA et les médecins ?
La durée de formation n’est pas très différente (5 ans pour les IPA, 6 pour les médecins/3 ans de stage pour les IPA et 5 pour les médecins). Les deux professions appliquent des guides de pratique et suivent des clinical pathways qui sont bien définis dans la littérature, et qui permettent de formaliser la prise en charge d’un diagnostic précis.
Pas de différence donc ? Pour répondre à cette question, il est intéressant de mieux comprendre comment fonctionne un médecin. La plupart des experts considèrent qu’ils basent leur décisions sur des scripts qu’ils ont construits au cours de leur pratique clinique.2 Ces scripts représentent une série d’informations plus ou moins bien identifiées qui leur permettent d’évaluer de manière intuitive la probabilité d’un diagnostic. On peut déconstruire cette intuition, par exemple avec les scores de Genève pour l’évaluation de la probabilité d’une embolie pulmonaire, mais dans la réalité clinique, il existe encore peu de situations de ce genre. Il est frappant de voir les médecins qui commencent leurs stages en médecine ambulatoire s’inquiéter de laisser partir un patient à la fin d’une consultation, alors qu’ils n’ont pas de diagnostic de certitude, et qu’ils doivent accepter un certain degré d’incertitude. Une petite étude a montré qu’un contexte de probabilité et d’incertitude se rencontre dans plus de 70 % des consultations ambulatoires.3 Les médecins ont ainsi l’obligation de décider en prenant des risques. C’est par la répétition de l’exposition à ces situations que les médecins construisent leurs scripts. La même étude montre cependant que 48 % des consultations utilisent des clinical pathways ou des protocoles, ce qui permettrait aux deux professions d’en prendre la responsabilité. C’est d’ailleurs dans ce champ d’activité que travaillent actuellement les IPA, l’éducation thérapeutique, le suivi des hypertendus, des diabétiques ou des cancéreux par exemple.
On voit donc que la grande différence, c’est la gestion des probabilités et la capacité de prendre des décisions dans l’incertitude. La recherche sur le raisonnement clinique et l’analyse décisionnelle permettront peut-être un jour de formaliser de manière stricte la prise en charge des patients dans toutes les situations et d’éliminer ces incertitudes, mais on en est loin. Les IPA pourraient aussi se former à cette compétence, mais alors, à mon avis, on pourrait dire que ce sont des médecins, et il n’y aurait plus de différence… |
Permalink : |
http://cdocs.helha.be/pmbgilly/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=65755 |
in Revue médicale suisse > 664 (25 Septembre 2019) . - p. 1732
[article] Le médecin (homme) et l’infirmière (femme) ? [texte imprimé] / Marc-André Raetzo . - 2019 . - p. 1732. Langues : Français ( fre) in Revue médicale suisse > 664 (25 Septembre 2019) . - p. 1732
Résumé : |
Les infirmières de pratique avancée (IPA) existent depuis les années 60 en Amérique du Nord. En France, les premières formations ont commencé en 2018, et dès 2000 à Bâle. La différence avec les infirmières spécialisées, c’est la possibilité de leur confier des tâches habituellement réservées aux médecins.1 Sans grande surprise, la chose est plus ou moins bien accueillie par le corps médical.
Traditionnellement, le médecin est un homme (qui commande) et l’infirmière une femme (qui obéit). Les choses changent… On l’a vu avec la grande manifestation des femmes en juin dernier, mais aussi sur les bancs de la faculté de médecine, avec déjà aujourd’hui une majorité de femmes.
Les médecins ont l’obligation de décider en prenant des risques
Mais alors quelle est la différence entre les IPA et les médecins ?
La durée de formation n’est pas très différente (5 ans pour les IPA, 6 pour les médecins/3 ans de stage pour les IPA et 5 pour les médecins). Les deux professions appliquent des guides de pratique et suivent des clinical pathways qui sont bien définis dans la littérature, et qui permettent de formaliser la prise en charge d’un diagnostic précis.
Pas de différence donc ? Pour répondre à cette question, il est intéressant de mieux comprendre comment fonctionne un médecin. La plupart des experts considèrent qu’ils basent leur décisions sur des scripts qu’ils ont construits au cours de leur pratique clinique.2 Ces scripts représentent une série d’informations plus ou moins bien identifiées qui leur permettent d’évaluer de manière intuitive la probabilité d’un diagnostic. On peut déconstruire cette intuition, par exemple avec les scores de Genève pour l’évaluation de la probabilité d’une embolie pulmonaire, mais dans la réalité clinique, il existe encore peu de situations de ce genre. Il est frappant de voir les médecins qui commencent leurs stages en médecine ambulatoire s’inquiéter de laisser partir un patient à la fin d’une consultation, alors qu’ils n’ont pas de diagnostic de certitude, et qu’ils doivent accepter un certain degré d’incertitude. Une petite étude a montré qu’un contexte de probabilité et d’incertitude se rencontre dans plus de 70 % des consultations ambulatoires.3 Les médecins ont ainsi l’obligation de décider en prenant des risques. C’est par la répétition de l’exposition à ces situations que les médecins construisent leurs scripts. La même étude montre cependant que 48 % des consultations utilisent des clinical pathways ou des protocoles, ce qui permettrait aux deux professions d’en prendre la responsabilité. C’est d’ailleurs dans ce champ d’activité que travaillent actuellement les IPA, l’éducation thérapeutique, le suivi des hypertendus, des diabétiques ou des cancéreux par exemple.
On voit donc que la grande différence, c’est la gestion des probabilités et la capacité de prendre des décisions dans l’incertitude. La recherche sur le raisonnement clinique et l’analyse décisionnelle permettront peut-être un jour de formaliser de manière stricte la prise en charge des patients dans toutes les situations et d’éliminer ces incertitudes, mais on en est loin. Les IPA pourraient aussi se former à cette compétence, mais alors, à mon avis, on pourrait dire que ce sont des médecins, et il n’y aurait plus de différence… |
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http://cdocs.helha.be/pmbgilly/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=65755 |
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